• MoneySmart
  • Posts
  • Vers une abrogation de la réforme de la retraite ?

Vers une abrogation de la réforme de la retraite ?

Un acte irresponsable socialement, économiquement et financièrement

La réforme de la retraite a été mal préparée et mal négociée. Soit.

Pour autant l’abroger serait catastrophique financièrement eu égard à la fragilité de nos finances publiques et l’absolue nécessité de les redresser. Tout signe d’aggravation de la situation - l’abrogation de cette réforme serait immédiatement comprise par les épargnants comme par les marchés comme totalement irresponsable - pourrait déclencher une grave crise de financement de la dette française.

Le seul moyen d’assurer efficacement l’équilibre des régimes de retraites par répartition, sans baisser le niveau des retraites, est de moduler la durée de la vie active, en fonction de l’évolution démographique. Sans quoi l’équilibre ne peut être assuré que par l’augmentation des cotisations sociales payées par les salariés et/ou par les entreprises. Cette mesure ne peut que ponctionner le pouvoir d’achat et/ou jouer contre la compétitivité de l’économie, donc in fine, dans les deux cas, contre le taux de croissance, l’emploi et le pouvoir d’achat. Donc contre le bien-être collectif et de chacun. Sachant que le taux de cotisations sociales des entreprises en France est déjà de 60 % plus élevé que dans le reste de la zone euro, toute élévation supplémentaire serait inacceptable, tant socialement qu’économiquement, car elle irait à l’encontre de l’intérêt de l’économie française et de tous ceux qui y travaillent.

Restent donc les mesures d’âge, seules à même de rendre compatibles l’intérêt des retraités actuels ou futurs et la recherche du meilleur potentiel de croissance de l’économie. D’autant plus que beaucoup d’entreprises ne peuvent croître aujourd’hui encore de par un manque de main d’œuvre qualifiée ou non . En outre, en France, nous avions 4 cotisants pour 1 retraité en 1960. En 2010, 1,8 cotisant seulement pour 1 retraité. Dans le même temps, en 1958, l’espérance de vie à l’âge de la retraite était de 15,6 ans pour les femmes et de 12,5 ans pour les hommes. En 2020, respectivement de 26,9 ans et de 22,4 ans. Et l’âge de la retraite est moins élevé aujourd’hui qu’en 1958. L’espérance de vie en bonne santé après la retraite a considérablement progressé également.

Tous nos voisins ont remonté dans le même esprit l’âge de la retraite (65 à 67 ans). De ce fait, le principe de réalité doit aussi enfin nous saisir, pour que notre système de retraite par répartition ne soit pas mis en danger par l’incapacité à le financer.

En France, seules environ 30 % des personnes de 60 à 64 ans travaillent, alors qu’elles sont presque 50 % à le faire en moyenne dans les autres pays de la zone euro et même 57 % en Allemagne et 68 % en Suède ! Et le travail n’est pas seulement nécessaire économiquement, il est aussi le plus souvent un moyen d’intégration, de socialisation et de réalisation de soi. Enfin, le travail n’est pas à partager. Le travail crée le travail dans la dynamique de l’économie. Tous les travaux empiriques le confirment.

Olivier Klein est professeur de macroéconomie financière et de politique monétaire à HEC.