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Lettre ouverte à Gabriel Attal, Christophe Béchu et Guillaume Kasbarian

Monsieur le premier ministre,

Messieurs les ministres,

La déclaration de politique générale prononcée le 30 janvier a ouvert une phase de communication volontariste autour du logement.

Le logement, c’est là où on grandit (…) C’est le meilleur patrimoine que l’on puisse constituer et transmettre à ses enfants.

Je veux porter un message simple : nous allons nous battre, mètre carré par mètre carré, logement par logement, pour accélérer la production de nouveaux logements.

Gabriel Attal, 14 février 2024.

Si les mots prononcés sonnent juste, ils n’effacent pas les conséquences des politiques menées depuis 2017 :

  • le recul de 33 % des mises en chantier de nouveaux logements (2023 vs 2017) qui tombent au plus bas niveau enregistré en 25 ans

Face à la gravité de la situation, certaines des mesures annoncées ces derniers jours interrogent.

Correction des diagnostics de performance énergétique

La correction du biais de calcul du DPE pénalisant les petites surfaces est une mesure de bon sens. Les dizaines de milliers de propriétaires ayant vendu des logements à des prix sévèrement décotés sur la base de DPE faussés et ceux s’étant trouvés depuis janvier 2023 dans l’impossibilité de louer des logements ou d’indexer leurs loyers seront-ils indemnisés ?

Au-delà de la correction des DPE sur les logements de moins de 40 m2 , que compte faire le gouvernement pour remédier au manque patent de fiabilité des diagnostics mis en lumière par les études d’Hello Watt et de 60 Millions de Consommateurs ?

Choc d’offre et simplification

Le choc d’offre annoncé par le candidat Emmanuel Macron en 2017, et de nouveau appelé de ses vœux par le premier ministre dans son discours de politique générale, est une urgente nécessité.

Les mesures esquissées ces derniers jours permettant de “simplifier, déverrouiller, innover” sur des sujets tels que la surélévation de bâtiments existants, la transformation de bureaux en logements ou la construction de maisons individuelles sur des terrains déjà artificialisés sont absolument bienvenues.

Il reste cependant à en préciser la portée. Lors de son interview du 12 février sur RTL, Guillaume Kasbarian n’a pas contredit l’équation énoncée par Amandine Bégot : 30 000 logements x 20 territoires = 600 000 logements sur 3 ans. Le premier ministre, quant à lui, réitérait le 14 février un objectif de 30 000 logements sur 3 ans en tout et pour tout qui n’est absolument pas à l’échelle du problème actuel.

Au delà de lever l’ambiguïté de facteur 20, pourquoi limiter à quelques micro-territoires des mesures qui relèvent en réalité d’un état d’urgence du logement dans tous les bassins d’emploi du pays et qui, au demeurant, ne coûtent pas un centime d’argent public ?

Logement locatif intermédiaire

La prise en compte du logement locatif intermédiaire dans le calcul des objectifs de logements sociaux fixés aux communes en application de la loi Solidarité et renouvellement urbain (SRU) de 2000 peut participer à surmonter la réticence de nombreux maires à octroyer les permis de construire dont le pays a besoin.

Il convient cependant d’aller plus loin. La loi SRU a eu pour effet collatéral non-anticipé par le législateur d’encourager une pratique par laquelle de nombreuses communes imposent aux promoteurs de réserver des lots aux organismes HLM à des prix substantiellement inférieurs à ceux du marché. Largement diffusée, cette pratique a pour effet mécanique de renchérir le prix de commercialisation des lots restant pour les accédants à la propriété ou investisseurs privés. Le soutien au secteur HLM est légitime et relève des missions régaliennes de l’État. Au-delà d’un différentiel de TVA déjà substantiel, la facture n’a pas à être portée par les primo-accédants ou les investisseurs locatifs du secteur privé.

Haut conseil de stabilité financière et innovation

Dans un contre-pied qui trouvera sa place dans les manuels d’histoire économique, le Haut conseil de stabilité financière a donné force de loi, en janvier 2022, à ses recommandations en matière d’octroi de crédits à l’habitat, au moment même où le retour de l’inflation entraînait une remontée historique des taux. Outrepassant le mandat “macro-prudentiel” qui lui avait été confié en 2014 par le législateur, le Haut conseil dicte désormais aux banques quels sont les Français éligibles au crédit à l’habitat et pour quel montant. Nul ne s’explique pourquoi aucune autre forme de crédit ne fait l’objet d’un tel encadrement.

Si le credit crunch actuel s’explique d’abord par la remontée des taux, ces mesures aggravent inutilement une situation déjà difficile en empêchant les banques de prêter en fonction du reste à vivre (consacrer 35% de ses revenus au remboursement du crédit ne représente pas la même contrainte selon que l’on gagne 5 000 € ou 2 000 € par mois), de leur évaluation du potentiel de progression des revenus ou encore des loyers générés par un investissement locatif. Les statistiques produites par la Banque de France elle-même montrent pourtant que les crédits à l’habitat sont rarement une composante des situations de surendettement (seuls 6% des ménages surendettés sont accédants à la propriété).

Dans un tel contexte, il n’est nul besoin d’inciter nos banques à l’innovation financière en suggérant qu’elles octroient des crédits in fine (traduire non amortissables). Les Français n’ont nulle envie d’être endettés à vie, d’une part. Nos banquiers, d’autre part, sont suffisamment responsables pour juger des formats de crédit qu’ils peuvent proposer sans mettre leurs clients en danger.

Un trait de plume suffirait pourtant à redonner au marché l’oxygène dont il a besoin : abroger les normes inutiles du HCSF. Less is more.

En espérant avoir retenu votre attention.

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Sources et bibliographie