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Réforme en trompe l'œil du Prêt à Taux Zéro

Assouplissement, dites-vous ?

Michel-Ange a donc trouvé son maître. Bruno Le Maire présentait hier, 18 octobre, les contours de sa réforme du Prêt à Taux Zéro et le trompe l’œil qu’il dessine fait pâlir les fresques de la Chapelle Sixtine…

Le Prêt à Taux Zéro ou l’histoire d’une disparition programmée

Flashback. Nous sommes en 2016. Le PTZ est en odeur de sainteté. Cet instrument qui a permis de soutenir la primo-accession pendant des années difficiles est plébiscité par les emprunteurs. 13% des transactions immobilières de l’année 2017 bénéficieront ainsi d’un PTZ, soit plus de 125.000 ménages.

Mais à Bercy, c’est l’inquiétude. L’État est en effet tenu d’accorder aux banques un crédit d’impôt compensatoire du “manque à gagner” engendré par les PTZ. Ces sommes - raisonnables quand les taux sont bas - menacent de devenir très lourdes si les taux étaient amenés à remonter. La machine politique et administrative se met alors en branle pour étouffer progressivement le PTZ dans un environnement de taux bas qui rendrait l’exécution presque indolore.

Depuis le 1er janvier 2016, finie l’indexation des plafonds de revenus déterminant l’éligibilité au PTZ. Avec la progression naturelle des salaires - qui plus est dans un environnement de retour de l’inflation - cela équivaut à une érosion relative de 17% si l’on se réfère aux statistiques du ministère du Travail. Ainsi, le plafond de revenus pour une personne seule en zone non-tendue reste gelé à 24.000 € nets annuels.

À partir de 2018, la quotité maximale (montant du PTZ rapporté au cout du projet) est réduite de 40% à 20% pour les logements neufs hors zones tendues.

En 2019, l’éligibilité du PTZ pour les logements anciens est réduite aux zones non-tendues et assortie d’une condition selon laquelle les travaux de rénovation doivent représenter a minima 25% du coût du projet.

Mises bout à bout, ces restrictions auront pour effet de diviser par deux le nombre de PTZ octroyés en l’espace de cinq ans (2022 vs 2017).

Un dernier tour de vis à contretemps

En 2022, le scénario redouté par Bercy se matérialise : retour de l’inflation et remontée des taux. Il faut conclure la manœuvre ! Et dans un parfait sens du contretemps, au moment même où les candidats à la primo-accession souffrent d’une remontée des taux de crédit sans précédent, Élisabeth Borne annonce le 5 juin 2023, en conclusion du Conseil National de la Refondation dédié au logement, qu’à compter de 2024, le PTZ sera fermé à la construction de maisons individuelles et, s’agissant des logements collectifs neufs, recentré sur les zones tendues.

Place à l’illusionnisme

En piste Bruno Le Maire qui nous présente en ce 18 octobre une réforme introduite par ce titre : « Pour mieux accompagner les primo-accédants, le Gouvernement refonde le prêt à taux zéro pour 6 millions de foyers éligibles supplémentaires ».

Tout en s’y attardant le moins possible, cette réforme acte la fin du PTZ sur la construction de maisons individuelles et la limitation du logement collectif neuf aux zones tendues. Mais les miettes attirent mieux les mouches que le vinaigre et l’on nous sert ainsi quelques éléments positifs issus des débats parlementaires :

  • Une revalorisation bienvenue des niveaux de revenus déterminant l’éligibilité, de 7% à 30% selon les tranches.

  • L’introduction d’une nouvelle tranche de revenus éligibles, allant jusqu’à 49.000 € nets annuels, ouvrant droit à une quotité (montant du PTZ ramené au coût du projet) maximale de 20%.

  • Pour les emprunteurs les plus modestes (notion non définie à ce stade), l’augmentation de la quotité maximale de 40% à 50%. Attention toutefois, l’assiette maximale du coût du projet servant de base au calcul reste inchangée.

  • Pour les projets d’acquisition de logements HLM, la quotité maximale est portée de 10% à 20%.

Pas si mal, vous dites-vous ? Le prestidigitateur a donc réussi à détourner votre attention. Les propres projections de Bercy indiquent que la combinaison de ces nouveaux critères se traduira par une poursuite de la chute du nombre de PTZ à 40.000 financements en 2024, soit une division par 3 depuis 2017 !

1984

Entre citoyens de bonne foi, on peut tout à fait débattre de la question de savoir si le PTZ est une bonne utilisation de l’argent public. Ses partisans soulignent que c’est l’un des rares instruments d’aide à l’accession à la propriété dont l’efficacité est attestée par la Cour des comptes. Ses détracteurs soutiennent que cette aide alimente une surélévation artificielle des prix, argument entendable dans un contexte de pénurie structurelle de logements.

Ce qui n’est pas acceptable, en revanche, c’est qu’un gouvernement cherche à supprimer toute forme de discussion en recourant à une novlangue digne de George Orwell, présentant le rétrécissement du PTZ comme un « assouplissement ». De tels procédés, répétés dans la durée, minent l’esprit d’une démocratie.

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