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Le logement aux crochets de l'État ?

Debunked

Le secteur du logement est régulièrement présenté comme dépendant largement des subsides de l’État, contribuant ainsi à creuser le gouffre de la dette publique française.

Pour en avoir le coeur net, nous nous sommes plongés dans le compte du logement, une publication du ministère de la Transition Écologique et de la Cohésion des Territoires qui reprend de façon détaillée l’ensemble des sommes déboursées ou prélevées chaque année, en lien avec le logement, par les acteurs publics. C’est un document infiniment précieux pour celui qui veut comprendre la réalité de l’action publique en matière de logement.

Prenez votre respiration : deep dive !

1. La dépense publique

En 2021, la puissance publique a dépensé 38 milliards d’euros en faveur du logement (les chiffres 2022 ne sont pas encore disponibles au moment où nous écrivons ces lignes).

38 milliards d’euros, c'est beaucoup. Ce qu’on dit moins, c’est que ce chiffre est en baisse régulière : -10% depuis 2010.

Mais où va ce “pognon de dingue” ?

Par ordre décroissant :

  • Les prestations sociales liées au logement : APL, ALS, ALF, ASH, ALT (désolé de la soupe à l'alphabet) mais aussi les subventions Action Logement ou le chèque énergie, pour 20,1 milliards d’euros, +12% depuis 2010. Elles bénéficient pour l'essentiel aux locataires de logements sociaux.

  • Les "avantages fiscaux" (traduire niches) : 13,7 milliards d’euros, -14% depuis 2010. Dans ce magma, on trouve notamment 6,8 milliards d'avantages de TVA sur les travaux d'amélioration, 2,3 milliards d'incitations à l'investissement locatif privé, 1,5 milliards de réduction de TVA pour le logement social...

  • Les subventions d'investissement et d'exploitation : 3,5 milliards d’euros, -20% depuis 2010 en dépit du lancement du dispositif MaPrimeRénov'. 40% de ces subventions bénéficient au secteur du logement social, le reste au secteur privé.

  • Enfin, les avantages de taux : 0,8 milliard d’euros, -83% depuis 2010. Nous parlons du coût des Prêts à Taux Zéro, éco-PTZ et prêts Action Logement, ainsi que des charges de la Caisse des dépôts et consignations dans le recyclage de l'épargne issue des Livrets A et Livrets de Développement Durable vers le financement du logement social.

La vérité, c'est qu'on a beaucoup d'aides et qu'on a créé un paradis pour les investisseurs immobiliers.

Emmanuel Macron, interview dans Challenges, 10 mai 2023

Au risque de contredire le Président de la République, prenons un peu de hauteur avant de poursuivre :

  • Les deux tiers de la dépense publique en matière de logement sont consacrés aux prestations sociales et au soutien au logement social. Il s’agit d’une politique de redistribution parmi d'autres, dont chacun est libre d’apprécier le bien-fondé, mais que l’honnêteté intellectuelle impose de ne pas faire passer pour un soutien au logement privé.

  • Les dépenses dont bénéficie le secteur du logement privé représentent 12,8 milliards d’euros, dont 4,9 milliards ne sont que la restitution partielle du trop perçu de l'État qui applique 20% de TVA sur le logement en feignant ignorer sa nature de bien de première nécessité (qui devrait ouvrir droit au taux réduit de 5,5%).

  • Les incitations fiscales à l’investissement locatif privé sur lesquels Emmanuel Macron se base pour dépeindre la France en paradis des investisseurs immobiliers pèsent en tout et pour tout 2,3 milliards d’euros (essentiellement Pinel, désormais en extinction, et Denormandie).

2. La fiscalité

Toujours selon le compte du logement, les impôts et prélèvements dont le fait générateur est lié au logement ont atteint en 2021 le chiffre record de 91 milliards d’euros, soit une hausse de 60% depuis 2010. Ces chiffres n'incluent ni la taxe d'habitation ni les droits de succession (ceux-ci n’étant pas rattachés au compte du logement selon la méthodologie de l'État), qui auraient porté le total bien au-delà de 100 milliards d’euros.

Alors de quoi parlons-nous précisément ?

  • La TVA à tous les étages (énergie, construction, travaux...), pour bonne partie appliquée au taux de 20% en dépit du fait que le logement est incontestablement un bien de première nécessité : 27,9 milliards d’euros, +39% depuis 2010.

  • La taxe foncière : 24,1 milliards d’euros, +40% depuis 2010, et cela devrait encore s'accélérer pour compenser la suppression de la taxe d'habitation.

  • Les droits de mutation à titre onéreux (qui constituent l'essentiel de ce que l'on appelle à tort les "frais de notaires"), taxe inique sur la mobilité géographique, familiale et sociale : 16,4 milliards d’euros, x2 depuis 2010.

  • L'imposition des revenus locatifs : 8 milliards d’euros, +72% depuis 2010.

  • 14,2 milliards d’euros d’autres taxes parmi lesquelles les taxes sur l’énergie et les assurances (5,6 milliards), l’impôt sur les plus values (2,4 milliards), l’impôt sur la fortune immobilière (2,2 milliards) et les taxes d’urbanisme (1,1 milliards).

3. La contribution nette du logement aux finances publiques

Il découle de cette comptabilité publique, consultable par tous, que contrairement à la petite musique jouée à l’Élysée, le secteur du logement est un contributeur net positif aux finances publiques.

Mieux encore, cette contribution a été multipliée par 4 depuis 2010 pour atteindre 52 milliards d’euros en 2021. Incapable de se cacher ou de s’exiler, le logement est devenu la parfaite vache à lait fiscale ! En cela, Bercy s’inspire du Directoire qui avait introduit en 1798 un impôt sur les portes et les fenêtres qui resta en vigueur jusqu’en 1926.

Ainsi, les taxes prélevées sur les propriétaires, au-delà de financer le parc de logements sociaux et les aides au logement, ont permis en 2021 de réduire notre colossal déficit public d’un quart.

Mais ces ponctions ne sont pas une martingale. Elles renchérissent considérablement l’accès à la propriété et constituent un frein à la mobilité des Français. Elles sont aussi un boulet au pied d’un secteur économique qui contribue pour 11% dans le Produit Intérieur Brut et emploie 2,3 millions de personnes.

Tant va la cruche à l'eau qu'à la fin elle se casse…

Sources

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