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Le marché du crédit à l'habitat panse ses plaies

L’offre de crédit à l’habitat est - avec les fondamentaux démographiques - l’une des déterminantes essentielles du marché de l’immobilier résidentiel, tant en termes de volumes de transactions que d’évolution des prix.

Après deux années d’une contraction d’ampleur historique, la production de crédit semble avoir touché un point bas et repart modestement. Nous tentons ici de dresser l’état des lieux de la situation.

Brève histoire de la remontée des taux

Flashback. À l’été 2021, alors que le plus dur de la pandémie de Covid est passé et que les comportements de consommation commencent à se normaliser, de premiers signes d’inflation apparaissent. Ceux-ci sont initialement interprétés comme un phénomène transitoire résultant des tensions liées à la remise en marche des chaînes logistiques. En décembre 2021, le taux moyen des crédits à l’habitat nouvellement octroyé est au niveau le plus bas jamais enregistré : 1,06 %.

Mais l’inflation continue de progresser et le doute s’installe : celle-ci n’est-elle pas plutôt la conséquence d’injections de liquidité excessives de la part des banques centrales et de réserves d’épargne surabondantes constituées pendant la pandémie ? Et si cela ne suffisait pas, s’y ajoute à partir de février 2022 une flambée des prix de l’énergie causée par l’invasion russe de l’Ukraine et les sanctions économiques qu’elle entraîne.

Dès le mois de mars, la Federal Reserve américaine amorce le relèvement de ses taux directeurs, suivie en juin par la Banque Centrale Européenne. En deux ans, les taux moyens des nouveaux crédits à l’habitat reprennent plus de trois points pour atteindre 4,17 % en janvier 2024.

Cette remontée des taux a plusieurs conséquences. Elle se traduit tout d’abord par une diminution de 22 % de la capacité d’emprunt des ménages (à durée et taux d’effort constants, tenant compte de la progression moyenne des salaires de 8 % sur la même période), particulièrement pénalisante pour les candidats à la primo-accession et les investisseurs locatifs.

Pour les propriétaires qui ont encore un crédit en cours, la hausse des taux devient un frein à la mobilité, toute revente entraînant la nécessité de rembourser un crédit obtenu à un taux historiquement bas et d’y substituer un nouveau crédit à un taux bien plus élevé.

Sans surprise, la remontée rapide des taux de crédit conduit partout en Europe au recul concommittant de la production de nouveaux crédits et, par effet d’entraînement, des volumes de transactions immobilières.

Un cycle exacerbé par des mesures prises à contre-temps

Si le ralentissement du marché causé par la hausse des taux de crédit est indéniablement un phénomène international, il a été en France, spécifiquement aggravé par des mesures réglementaires et politiques dont la temporalité était particulièrement malencontreuse :

  • Ainsi en janvier 2022, au moment même où les taux de crédit s’infléchissent, le Haut Conseil de Stabilité Financière donne force réglementaire - passible de sanctions financières - à des normes d’octroi de crédit qui ne constituaient jusque là que de simples recommandations. De facto, une banque n’est plus fondée à tenir compte de notions telles que le « reste à vivre » de l’emprunteur, le potentiel de progression de ses revenus ou encore l’adossement des remboursements aux revenus locatifs (« calcul différentiel ») dans son évaluation du risque de crédit. Cette sur-réglementation est d’autant plus étonnante qu’elle ne s’applique qu’aux crédits à l’habitat, quand moins de 6 % des ménages se présentant en commission de surendettement ont un crédit d’acquisition à rembourser. Cette typologie de crédit n’a pourtant jamais causé en France de crise bancaire, contrairement à d’autres pays.

  • Quelques mois plus tard s’y ajouteront des retards d’ajustement du calcul du taux d’usure qui contraindront les banques à travailler à marge négative de l’été 2022 à l’été 2023, les poussant à limiter plus encore leur production de crédit.

  • La politique du logement continue par ailleurs d’être dictée par Bercy selon des objectifs comptables de courte vue. Le resserrement progressif des critères d’éligibilité au Prêt à Taux Zéro - instrument essentiel à l’accession à la propriété des classes moyennes - engendre ainsi une chute de 62 % du nombre de dossiers acceptés entre 2017 et 2023.

L’étendue des dégâts

Ces mesures mal inspirées sont venues renforcer le ralentissement déjà causé par la hausse des taux, provoquant une baisse drastique de la production de crédit. En dépit du léger rebond enregistré ces derniers mois, les volumes de crédit à l’habitat octroyés sur une année glissante (oct. 2023 - sept. 2024) restent inférieurs de 52 % à leur niveau de 2022, soit le double de l’intensité de la contraction observée en Allemagne ou en Italie sur la même période.

En perspective historique, le nombre de crédits habitat octroyés sur les 12 derniers mois est le plus faible enregistré depuis 2012 (limite des données publiées par la Banque de France), et possiblement aussi bas que celui observé pendant la crise de 2008.

Les effets d’éviction des politiques qui ont été menées se lisent aussi dans l’évolution du niveau d’apport personnel moyen des projets financés - dernière variable d’ajustement pour ne pas renoncer à son projet pour les candidat à l’emprunt disposant des ressources nécessaires - passé en deux ans de 16 % (T1 2022) à 24 % (T1 2024) du coût du projet.

Soulignons enfin que, par leur impact sur les marchés de la primo-accession et de l’investissement locatif, ces politiques ont contribué à étouffer la production de logements neufs alors même que les principaux bassins d’emploi souffraient déjà d’un déficit structurel de logements, que les phénomènes de décohabitation s’amplifient et que les flux migratoires nets n’ont jamais été aussi élevés, créant toutes les conditions d’une grave crise du logement.

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Olivier Lendrevie

Le marché du crédit reprend quelques couleurs

Par symétrie des mécanismes macro-économiques décrits plus hauts, la normalisation progressive de l’inflation a permis une baisse régulière des taux de crédit à partir du début de l’année 2024. Selon l’Observatoire Crédit Logement (dont les données en la matière ont l’avantage d’être plus fraîches que celles de la Banque de France), le taux moyen des crédits nouvellement octroyés est revenu à 3,46 % en octobre 2024.

Cette détente des taux se conjugue au recul du prix des logements et à la progression des salaires pour restaurer le pouvoir d’achat immobilier des ménages. Sur la base des taux actuels et d’une stabilité des prix depuis leur dernier niveau connu (indice Insee - notaires du 2ème trimestre 2024), nous estimons que la part du revenu affectée au remboursement du crédit a d’ores et déjà baissé de 4 points pour repasser sous la barre des 30 %.

Ceci s’est traduit, à partir du mois d’avril, par un modeste rebond des volumes d’octroi de crédit qui s’établissent désormais autour de 10 Md€ par mois. Cette inflexion devrait à son tour permettre d’endiguer la chute des volumes de transactions.

2025 : incertitudes à l’horizon

Cependant rien n’assure que la suite soit un long fleuve tranquille.

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