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Cette fois, c'est différent...

Bonjour,
La Terre s’est semble-t-il arrêtée de tourner. À la machine à café comme sur les réseaux sociaux, la situation financière du pays est l’objet de toutes les conversations.
Une proportion importante de nos concitoyens se sont convaincus que notre dette publique n’était qu’une fiction contée/comptée par le grand capital pour imposer l’austérité. Ah, le spectre de l’austérité, au pays qui subventionne la réparation de braguettes et crée un numéro vert contre la canicule… essayons de ne pas rire.
L’idée en vogue, défendue par des économistes nourris aux mamelles de l’État, consisterait à ce que la Banque Centrale Européenne efface la dette française qu’elle détient. Ce n’est après tout qu’un jeu d’écritures : la monnaie n’est qu’une convention que le Prince peut créer ex nihilo, ad infinitum.
Pour la mise en œuvre de cette belle idée, sans doute faut-il tabler sur le fait que nos voisins européens, pour les uns, verront comme une aubaine la possibilité d’effacer leur propre dette et, pour les autres, se rangeront à la supériorité intellectuelle de nos économistes !
Ayant effacé la dette existante, la même technique sera à n’en pas douter utilisée pour éponger tout déficit public futur. Un déficit qui n’est après tout qu’une construction comptable éculée. Par la magie de la planche à billets, assurément, nous serons tous infiniment prospères jusqu’à la fin des temps, libérés de toutes contingences matérielles, y compris celle de produire.
Soyons sérieux une minute. Que le débat public puisse prendre un tour aussi ésotérique résulte d’un aléa moral causé au fil des années par nos gouvernants eux-mêmes : à avoir tant dit que les caisses étaient vides pour ensuite sortir le chéquier à la première contrariété, ils ont nourri ce mythe de l’argent magique.
Mais à la fin l’argent magique se paye toujours : au choix, sous forme d’inflation (du prix des actifs ou des prix à la consommation), de perte de confiance dans la monnaie ou de défaut souverain. Réponses multiples acceptées.
Si la France y est particulièrement sujette, la tentation de l’argent magique est un mal mondial. Les accords de Bretton Woods fixant la convertibilité du dollar en or (1944-1971) n’auront été qu’une brève parenthèse à l’échelle de l’éternelle histoire du débasement monétaire. Porté par les constitutions de réserves des banques centrales - qui, étant le rouage du débasement, l’ont parfaitement appréhendé - l’or a clôturé vendredi à son plus haut historique : 3.587 $ l’once, soit plus de 100 fois le cours de 35 $ l’once garanti jusqu’en 1971 !
Exprimé en euros, l’or a ainsi gagné plus de 21 % depuis que nous en avons fait la deuxième ligne d’actifs de notre portefeuille de capitalisation, fin 2024. À elle seule, cette ligne aura permis d’absorber sans difficulté les soubresauts causés par la politique douanière de Donald Trump.
Selon une autre idée couramment entendue en cette rentrée, il suffirait pour rétablir l’équilibre de nos finances publiques, de mettre fin aux 211 Md€ annuels de “cadeaux” aux entreprises. Ceux qui brandissent ce chiffre n’ont de toute évidence pas pris la peine de lire le rapport du Sénat dont il est issu. Il est en effet composé d’un bric-à-brac dans lequel on trouve :
75 Md€ de réductions de charges sociales sur les bas salaires
57 Md€ de « dépenses fiscales déclassées » liées à des modalités de calcul de l’impôt sur les sociétés que l’on imagine difficilement remettre en cause (en particulier régime mère-fille et notion de groupe fiscal)
41 Md€ d’interventions financières de Bpifrance (prêts, garanties, participations) qui ne contribuent en rien au déficit
23 Md€ de réductions de TVA pour la restauration, le logement social, la rénovation énergétique ou encore les DOM
21 Md€ de subventions directes à des entreprises publiques (sans compter la part que celles-ci prennent dans les autres dispositifs, non chiffrée).
Le rapport de France Stratégie permet de mieux comprendre la nature des aides octroyées en 2023.
Pour autant, l’efficacité, la sur-complexité et la conditionnalité de certains dispositifs méritent certainement d’être questionnées. Si un tel travail doit avoir sa place dans le redressement de nos finances publiques, il n’y suffira en aucun cas.
Au demeurant, il serait suicidaire que de tels efforts se soldent par une nouvelle hausse de notre niveau de prélèvements obligatoires, déjà le plus élevé de l’OCDE. Afin de dégrader encore la compétitivité des entreprises et du travail français, toute économie réalisée en la matière devra impérativement être restituée sous forme d’allègement général des charges sociales.
En toute discrétion, trois jours après avoir sollicité le vote de confiance de l’Assemblée nationale, François Bayrou a jugé bon de céder à dix années de pression de la Commission européenne et d’accepter qu’EDF s’engage à revendre 25 % de son électricité d’origine hydraulique - n’en croyez pas les fake news, il s’agit bien de l’électricité elle-même et non des barrages - à des distributeurs privés, à prix coûtant, tout en continuant à se contraindre à ne pas facturer aux consommateurs les 75 % restant à un tarif inférieur à celui du marché européen, lui-même dépendant des prix exorbitants du gaz qu’en France, nous n’utilisons que pour 7 % de notre production.
Dans la droite ligne de la loi NOME de 2010, c’est un nouveau renoncement majeur dans la défense de la compétitivité de l’économie française. Une haute trahison économique - n’ayons pas peur des mots - au profit d’intérêts privés. Ce projet reste toutefois soumis à la ratification du Parlement. Espérons, dans le chaos politique actuel, qu’une majorité émerge pour défendre l’intérêt national et rejeter un tel accord.
Et dans le même temps, au sein de l’Union Européenne, le dumping fiscal va bon train. Il est proprement sidérant, que, depuis la formation de l’euro, nos gouvernants cèdent aux injonction européennes sans exiger, en contrepartie, un socle fiscal minimal de la part des autres états membres.
Rendu impuissant sur le front domestique, notre Président préfère visiblement les postures martiales. Rien de mieux, pour se refaire la cerise, qu’un rapide sommet européen au terme duquel il se permet d’exprimer, seul, l’engagement des pays de l’U.E. à envoyer des troupes pour assurer la sécurité d’une Ukraine amputée. Compte tenu des positions martelées par V. Poutine, on ne s’y prendrait pas autrement pour saboter les efforts de négociation. Pour qui s’intéresse à l’Histoire, la réthorique de la guerre, pour le Prince en perdition, relève du programme imposé.
Loin de ces considérations géopolitiques, j’étais en début de semaine sur le plateau de BFM pour commenter les conséquences de la hausse des taux de l’OAT sur le marché du crédit immobilier.
Pour ceux qui s’intéressent au marché de l’immobilier, je vous propose également cette vidéo de mon intervention aux Assises de l’immobilier, où je propose quelques clés de compréhension de l’évolution du pouvoir d’achat immobilier des primo-accédants :
Enfin, Séverine Piot-Deval synthétise pour vous la semaine des marchés financiers :
En vous souhaitant un bon dimanche.