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Quel courtier pour investir en bourse ?
Pierre Maynial a accompagné pendant 14 ans des grandes entreprises et des fonds d'investissement dans leurs opérations financières (fusions, acquisitions et cessions), en tant que banquier d'investissement, consultant dans un cabinet de conseil international et dans la grande distribution.
Il a récemment créé Monsieur Capital, une plateforme qui simplifie l'investissement en fournissant les meilleurs conseils à chaque étape de votre parcours financier.
Depuis dix ans, les néo-courtiers bouleversent le marché français de la bourse avec des tarifs défiant toute concurrence et une expérience utilisateur fluidifiée. Mais ces promesses de coûts réduits et de praticité sont-elles vraiment tenues ? Explorons les dessous de ces offres alléchantes.
La révolution du courtage en ligne remonte aux années 1990
La transformation du marché du courtage en France ne date pas d’hier. Dès le milieu des années 1990, une première vague de courtiers en ligne se fait une place aux côtés des banques traditionnelles grâce à des tarifs compétitifs et des plateformes innovantes. Cependant, l’éclatement de la bulle internet au début des années 2000 s’est soldé par l’intégration progressive de ces acteurs au sein de groupes bancaires : Boursorama - Société Générale en 2002, Fortuneo - Crédit Mutuel Arkéa en 2006, Cortal Consors - BNP Paribas en 2015. Aujourd'hui, Bourse Direct demeure le dernier courtier français indépendant. Parmi les courtiers étrangers historiquement présents en France, Binck a été racheté par Saxo en 2019 et ING a cessé son activité en 2022.
Une nouvelle vague très différente de la première
L'ère des néo-courtiers débute en 2014 avec l'arrivée de DeGiro sur le marché français, suivie par eToro en 2016, Trade Republic en 2020 et Shares en 2022. Ces nouveaux acteurs démocratisent l'accès à la bourse avec des tarifs minimalistes - inférieurs à 2€ par ordre et souvent dénués de droits de garde et d’autres frais (virements, change) – ainsi qu’une expérience utilisateur simplifiée. Désormais, l'ouverture d'un compte-titres ne prend que quelques minutes grâce à l'option de paiement par carte de crédit ou par virement instantané. Trade Republic et eToro poussent l’accessibilité jusqu’à proposer des actions fractionnées.
Certains néo-courtiers brouillent également la frontière bancaire en proposant des cartes de paiement (Trade Republic, Shares) ou une rémunération du compte-espèces pouvant monter jusqu’à 4 % (eToro, Trade Republic).
À l’ère des réseaux sociaux et de la gamification, ils permettent aussi à leurs clients de partager la composition de leur portefeuille et leurs analyses, facilitant le social trading voire le copy trading. L'expérience d'investissement ressemble de plus en plus à celle d'un jeu vidéo.
La nature même des produits d’investissement évolue, les cryptomonnaies et les ETF prenant une part croissante dans les portefeuilles. Répliquant à peu de frais la performance des grands indices boursiers, les ETF apparaissent comme des instruments idéaux pour un investissement passif ou régulier. Au premier trimestre 2024, 194.000 investisseurs individuels avaient acheté au moins un ETF, contre 95.000 trois ans plus tôt1 .
Ciblant principalement les primo-investisseurs, chaque néo-courtier a adopté un positionnement subtilement différent :
Trade Republic se concentre sur l'investissement en actions et ETF, offrant des plans d'investissement réguliers.
eToro met en avant les cryptomonnaies et intègre un réseau social puissant.
DeGiro se distingue par la complétude de sa plateforme, offrant un large éventail d'actions et de produits financiers.
Des levées de fonds records pour financer la croissance
La crise sanitaire a ravivé l'intérêt du grand public pour l'investissement boursier; les courtiers pure players ont séduit 1,7 millions de Français sur la seule année 20212 . Selon l'institut d'études économiques Xerfi, leur part de marché continue de progresser et dépassera 60 % en 20253 .
Compte tenu des investissements informatiques requis et de la faiblesse des marges, atteindre une masse critique est essentiel à leur modèle d’affaires. Des levées de fonds très importantes ont été réalisées afin de financer cette croissance : Trade Republic a levé 1,3 Md$4 et eToro 620 M$5 auprès de fonds de private equity depuis 2018.
Ce capital soutient des efforts d’acquisition clientèle titanesques qui prennent la forme de campagnes publicitaires en ligne, de généreux programmes de parrainage et, de plus en plus, de sponsoring de créateurs de contenus ou d’influenceurs. Le représentant français de Trade Republic déclarait avoir touché 10 millions de personnes en 2022 au travers de 90 vidéos sponsorisées.
La part d’ombre des néo-courtiers
Ces nouveaux acteurs ont pour point commun d’avoir domicilié leurs activités européennes dans les juridictions proposant les réglementations les plus souples (Chypre pour eToro et Trading 212, Allemagne pour DeGiro, Trade Republic et Scalable). Le principe du « passeport européen » les autorise à offrir leurs services en France sans tomber sous la tutelle directe de l’Autorité des Marchés Financiers.
Cet arbitrage réglementaire leur permet une certaine opacité quant à leur mode de rémunération. Trade Republic, DeGiro et eToro pratiquent ainsi le controversé Payment For Order Flow (PFOF). Plutôt que d’être transmis directement à l’opérateur du marché réglementé, vos ordres sont routés vers un teneur de marché exclusif qui les exécute en prenant une marge (bid-ask) partiellement rétrocédée au néo-courtier.
Cette pratique contrevient au principe de meilleure exécution de la réglementation française et se traduit pour l’investisseur par un « coût caché » que nous évaluons au travers de cas pratiques à environ 0,20 %. Sachant que ces rétrocessions peuvent représenter jusqu’au tiers6 du chiffre d’affaires de certains courtiers et qu’elles seront interdites dans l’Union Européenne à compter du 30 juin 20267 , il est à prévoir que les tarifs affichés seront alors remis à plat.
Des rétro-commissions sont également pratiquées par certaines sociétés de gestion pour l’inclusion de leurs fonds dans la gamme proposée par les courtiers.
Choisir le bon courtier
Malgré ces réserves, les tarifs pratiqués par les néo-courtiers restent attractifs pour les primo-investisseurs n’ayant que des sommes modestes à placer. Pour les investisseurs plus aguerris, à partir d’ordres unitaires supérieurs à 1.000€, il est plus avantageux d’ouvrir un compte chez un courtier traditionnel.
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Sources et Bibliographie
[1] https://www.amf-france.org/sites/institutionnel/files/private/2024-04/tb-suivi-evolution-investisseurs_n14_etf_0.pdf
[2] https://www.amf-france.org/sites/institutionnel/files/private/2024-01/tb-suivi-evolution-investisseurs_n13.pdf
[4] Source : Crunchbase
[5] Source : Crunchbase