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Politique du logement : des progrès, doit mieux faire

Une prise de fonction volontariste

Depuis sa nomination début février, le nouveau ministre délégué au logement n’a pas chômé. Quelques jours à peine après son entrée en fonction, Guillaume Kasbarian annonçait de premières mesures parmi lesquelles :

  • la révision des modalités de calcul des diagnostic de performance énergétique pour les appartements inférieurs à 40 m2 (assouplissement bienvenu dont on peut regretter qu’il n’entre en vigueur qu’au 1er juillet)

  • l’intégration du logement intermédiaire dans les objectifs de logements sociaux fixés aux communes au titre de la loi Solidarité et renouvellement urbain (SRU)

  • la désignation de 22 territoires prioritaires qui bénéficieront de dispositions dérogatoires visant à encourager la construction de nouveaux logements.

Le 11 mars, en déplacement au MIPIM - salon des professionnels de l’immobilier - Guillaume Kasbarian dévoilait cette fois un train de 10 mesures applicables à l’ensemble du territoire visant à accélérer les procédures d’urbanisme et raccourcir les procédures de recours.

Ces aménagements vont dans le bon sens en ceci qu’ils devraient permettre d’abaisser sensiblement le coût de revient de la construction de nouveaux logements. Ils dessinent aussi un positionnement habile du nouveau ministre qui, en se concentrant sur des initiatives ne pesant pas sur la dépense publique, évite la confrontation avec Bruno Le Maire qui avait paralysé l’action de ses prédécesseurs.

Les mauvais calculs de Bercy

On ne reprochera pas au gouvernement de se soucier enfin des finances publiques, alors que les dépenses du budget général ont crûes de 45 % depuis 2016 et que la dégradation de la note souveraine de la France paraît inévitable.

Pourtant, l’orthodoxie de Bercy en matière de logement procède d’une vision statique qui semble ignorer que le secteur était en 2022 pourvoyeur de ressources fiscales à hauteur de 97 Md€ quand les aides au logement pesaient 42 Md€. En attendant la publication dans quelques mois du compte du logement 2023, on peut d’ores et déjà estimer que la crise du secteur aura causé l’an dernier un manque à gagner d’environ 4 Md€ de droits de mutation (principalement supporté par les communes et les départements) et de 2 à 3 Md€ de TVA sur les logements neufs.

Dans les mois qui viennent, le resserrement drastique des conditions d’accès au Prêt à Taux Zéro et la fin du dispositif Pinel alourdiront encore les pertes de recettes fiscales. Dans les deux cas, les recettes de TVA engendrées étaient pourtant bien supérieures à la dépense publique engagée. Mais Bercy s’est accroché de façon dogmatique à l’idée qu’avec ou sans ces aides, les logements continueraient de sortir de terre, préservant les recettes de TVA. La pensée magique est maintenant rattrapée par la réalité.

La relance par le logement locatif intermédiaire

Plutôt que de revenir sur ces décisions mal avisées, Bruno Le Maire et Guillaume Kasbarian annonçaient le 14 mars un plan de 1 Md€ pour relancer la construction de logements locatifs intermédiaires. Afin de préserver les apparences budgétaires, la Caisse des Dépôts est mise à contribution à hauteur de 250 M€ et 14 assureurs se sont généreusement engagés à investir 400 M€ à la demande des ministres.

Tordre ainsi le bras de compagnies d’assurance pour les faire investir dans des actifs au rendement aussi faible relève d’une triste conception de l’économie libérale. Si 400 M€ reste une goutte d’eau face aux volumes d’actifs gérés par ces entreprises, le procédé est d’autant plus choquant que les investissements en question seront vraisemblablement logés à l’actif des fonds en euros gérés pour le compte de la clientèle. Ce coup de Jarnac est une taxe sur l’épargne qui ne porte pas son nom.

Au-delà de la méthode - détestable - l’objectif de 10.000 logements attaché à ce plan est très loin de pouvoir combler le déficit de 30.000 à 50.000 logements annuels laissé par la fin du dispositif Pinel.

Le concours Lépine de la complexité

Lors de son discours au MIPIM, Guillaume Kasbarian a porté le bon diagnostic : la crise du logement procède à la fois d’un effondrement de l’offre et d’un assèchement de la demande. Afin d’apporter un peu d’oxygène aux candidats à l’accession à la propriété, deux propositions sont sur la table.

Tout d’abord, l’idée formulée par Christophe Béchu d’introduire des crédits hybrides comprenant une tranche de 20 % non-amortissable, remboursable à la revente du bien. Si les banques pratiquent déjà les crédits dits in fine, elles les réservent à une clientèle patrimoniale et se sécurisent par le nantissement d’actifs financiers. Un tel montage n’est absolument pas adapté à de jeunes primo-accédants aux revenus modestes et se solderait en outre par une hausse substantielle du coût total du crédit. Le gouverneur de la Banque de France ayant à juste titre exprimé son opposition et les dirigeants de banque n’étant guère plus enthousiastes, le projet est mort né.

La seconde initiative est une proposition de loi portée par le député Lionel Causse qui permettraient aux banques de s’affranchir de la limite de 35 % imposée par le Haut Conseil de stabilité financière (HCSF) sur le taux d’endettement (mensualité de crédit ramenée aux revenus nets) « si ceux-ci parviennent à démontrer que le concours proposé ne présente pas de risque d’endettement excessif ».

Comme le HCSF avant lui, ce texte semble ignorer que la responsabilité des banques qui causent des situations d’endettement excessif est déjà engagée face aux commissions de surendettement. Les statistiques de la Banque de France montrent d’ailleurs que seuls 5,7 % des ménages surendettés ont encore un crédit d’accession à rembourser.

La solution proposée consiste en réalité à contourner les normes inutiles du HCSF par une nouvelle couche de complexité. En cela, elle est un symptôme parmi tant d’autres de la folie normative de notre appareil d’État. Bruno Le Maire serait bien inspiré d’appliquer à la question de la demande les mêmes principes de simplification qui guident l’action de Guillaume Kasbarian en matière d’offre.

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Sources