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Le marché de l'immobilier résidentiel au bord de la crise de nerfs ?

Essayer d’y voir clair…

On lit tout sur l’évolution des prix de l’immobilier ! Chacun y va de son angle et de son titre à sensations (comment trouvez-vous le nôtre ?), au point que même celui qui s’intéresse au sujet finit par ne plus vraiment savoir où il habite. Nous tentons dans cet article de faire un état des lieux dépassionné de la situation en nous fondant sur des données méticuleusement sourcées et analysées :

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Évolution des volumes de transactions

Les chiffres de la Fédération Nationale de l’Immobilier (FNAIM) montrent une baisse régulière des volumes de transactions de logements anciens, qui sont tombés à 900.000 sur 12 mois glissants à fin octobre 2023, en recul de 21 % par rapport aux 12 mois précédents. La FNAIM projette que ce chiffre tombera à environ 875.000 transactions pour l’année civile 2023.

On observe que la chute des volumes est relativement homogène sur le territoire, ce qui semble cohérent s’agissant d’un ralentissement principalement causé par le durcissement des conditions de crédit.

Le chiffre de 875.000 transactions, si on le ramène à la population française sur longue période, n’est pas abyssal. Avec 1,29 transactions pour 100 habitants, il nous renvoie à l’année 2016 ou encore à la période 2000-2007. C’est en revanche la violence de l’ajustement qui frappe, plus marqué encore que celui de 2008-2009.

Source : Igeed (transactions), Insee (habitants)

Enfin, ce chiffre de 875.000 transactions paraît fragile en ceci qu’il repose sur un nombre inhabituellement élevé de transactions réalisées sans recours au crédit. En effet, les crédits à l’habitat octroyés sur 12 mois à fin octobre 2023 ont chuté de 37 % selon la Banque de France (chiffre à rapprocher de la baisse de 21 % des transactions). On en déduit que de nombreux Français ont “fait les fonds de tiroirs” pour mener à bien leurs projets en dépit du durcissement des conditions de crédit. Mais les réserves d’épargne constituées pendant la pandémie ne sont pas infinies et, sauf à ce que la production de crédit reparte rapidement à la hausse, il est à craindre que les volumes de transactions continuent de se dégrader.

Évolution des prix sur les transactions réalisées

Nous nous fondons ici sur les derniers chiffres publiés par l’Insee (base des notaires corrigée des variations saisonnières) à fin septembre 2023. Ceux-ci montrent, pour les transactions dans l’ancien en France métropolitaine, un nouveau recul du prix moyen de -1,1 % au 3ème trimestre, portant la baisse cumulée à -2,1 % depuis le point haut atteint au 4ème trimestre 2022.

Ces chiffres masquent une hétérogénéité géographique assez marquée. Le point haut n’ayant pas été atteint au même moment selon les zones, il nous a semblé que le meilleur indicateur de l’intensité de la correction serait la mesure de la baisse cumulée de chaque zone (telles que définies par l’Insee) depuis son point haut :

Cette approche fait ressortir la propagation progressive de la correction, commençant à Paris dès 2021, s’étendant à Lyon puis aux principales grandes villes en 2022, et touchant dernièrement Marseille et la région Provence Alpes Côte d’Azur. Les données diffusées par l’Insee ne permettent malheureusement pas de suivre l’évolution des prix dans les villes ou régions autres que celles reprises dans notre tableau. On note toutefois que les prix restent orientés à la hausse dans les territoires ruraux (communes < 10 000 habitants), en progression de 3,8 % sur un an.

Enfin, gardons à l’esprit que les transactions enregistrées par les notaires au 3ème trimestre 2023 reflètent, pour une grande partie, des négociations intervenues au trimestre précédent, soit il y a déjà 6 à 9 mois.

La méthodologie de suivi des prix de l’Insee

Les indices de prix de l’immobilier construits par l’Insee s’appuient sur un modèle dit hédonique, qui pose que le prix d’un logement varie selon ses caractéristiques. Ainsi, les prix observés sont corrigés des éventuelles déformations dans le temps des principales caractéristiques des biens faisant l’objet de transactions, telles que leur localisation, leur surface ou leur qualité énergétique.

Pour en savoir plus : la méthode hédonique de l’Insee.

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Évolution des prix affichés sur les biens mis en vente

Les statistiques issues de la publication d’annonces immobilières peuvent nous donner une vision de l’état du marché à la fois plus actuelle et plus granulaire sur le plan géographique.

Les chiffres compilés par l’Observatoire Guy Hoquet sur la base des annonces des principaux sites de diffusion nous montrent une large palette d’évolution des prix au m2 affichés :

  • Nice est la seule grande métropole restant sur une tendance assurément haussière

  • Reims résiste

  • Marseille, Toulouse, Paris et Montpellier sont proches de l’équilibre sur un an tout en s’inscrivant dans une dynamique légèrement baissière sur la période la plus récente

  • Lille, Strasbourg, Bordeaux, Lyon et Nantes sont plus lourdement touchées avec des reculs de l’ordre de 5 à 6 % sur les 6 derniers mois.

Ces chiffres sont à interpréter à l’aune de leurs sources : basés sur les prix affichés, ils fournissent des indications générales quant aux tendances de marché et sa dynamique commerciale. Au niveau national, les prix au m2 affichés sur les biens mis en vente de septembre à décembre donnent l’image d’un marché dans lequel le prix moyen des transactions devrait continuer à baisser d’environ 1,1 % par trimestre - soit le même rythme que celui observé par l’Insee au 3ème trimestre 2023 - pour encore deux trimestres.

Évolution du pouvoir d’achat immobilier

On ne compte plus les commentaires, sur les réseaux sociaux ou dans la presse, se bornant à constater que les prix de l’immobilier ont été multiplié par x depuis 10, 20 ou 50 ans et concluant tout de go à l’existence d’une bulle vouée à exploser.

En se focalisant sur la question du prix, une telle lecture ignore tout d’abord le phénomène d’érosion monétaire qui est, sur longue période, un facteur essentiel. La baguette de pain est-elle vendue aujourd’hui au même prix qu’il y a 50 ans ? Ainsi, sur les 10 dernières années, si le prix moyen d’un logement a crû de 27 % selon l’Insee, on ne peut passer sous silence le fait que le salaire moyen du secteur privé a, lui aussi, considérablement progressé (+ 22,4 % selon le ministère du Travail).

La majorité des ménages ayant recours au crédit pour financer l’acquisition de leur logement, les taux de crédit sont une autre composante clé du pouvoir d’achat immobilier et leur fluctuation dans le temps peut expliquer une partie importante des mouvements de prix.

Le pouvoir d’achat immobilier résulte par conséquent de la relation complexe et mouvante entre prix nominaux des logements, évolution des salaires et taux de crédit. Aussi avions nous proposé, en juin 2023, un modèle permettant d’exprimer, pour les acquéreurs de chaque période, le prix moyen des logements en part du revenu moyen affectée au remboursement du crédit à l’habitat, sur la base du salaire moyen et des taux de l’époque.

Ce modèle montre que nous étions, de 2015 à 2020, sur un plateau bas de part de revenu affectée au remboursement. Ou, pour dire les choses autrement, la progression des prix nominaux sur cette période était parfaitement cohérente avec la croissance des salaires et la baisse concomitante des taux de crédit. C’est pendant la pandémie (mi 2020 à début 2022) qu’une pente ascendante commence à se former, qui s’accentue ensuite avec la remontée brutale des taux de crédit.

Au dernier point connu (T3 2023 pour le prix des logements mesuré par l’Insee), la part de 32,7 % du revenu affectée au remboursement du crédit se situe à mi-chemin entre le plateau bas des années 2015-2020 et le point haut atteint en 2008.

En projetant le modèle sur deux trimestres supplémentaires sur la base d’une continuation de la correction des prix et de l’inflation salariale, la part du revenu affectée au remboursement devrait culminer autour de 33,4 % au 4ème trimestre avant de refluer sensiblement au 1er trimestre 2024 sous l’effet de la détente des taux de crédit.

Nous tenons ce modèle et les hypothèses qui l’accompagnent à la disposition de nos abonnés MoneySmart Prime sur simple demande. En fonction de votre engouement, nous continuerons à le mettre à jour sur base trimestrielle ou semestrielle.

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Sources et bibliographie