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Dislocation de l'euro : protéger son patrimoine

Disons le d’emblée : le pire n’est jamais certain. Le scénario que nous déroulons dans cet article est une conjecture. Nous ne cherchons pas à le présenter comme une fatalité mais la possibilité de sa survenance et la gravité de ses conséquences nous semblent mériter l’attention.

Aux sources du projet européen

Nous sommes en 1950. Alors que la guerre froide est à son comble, Robert Schuman, ministre des Affaires étrangères, propose que la France et l’Allemagne de l’Ouest mettent leurs productions de charbon et d’acier sous une Haute Autorité commune, dans une organisation ouverte à la participation des autres pays européens.

Bien que le projet suscite initialement de fortes résistances - des communistes, naturellement, mais aussi des gaullistes - le souvenir de trois guerres successives entre les deux pays (1870, 1914-1918, 1939-1945) est encore vif et l’opinion publique est sensible à l’idée que les liens économiques participeront à prévenir de nouveaux conflits. Ainsi naît, avec la bénédiction des États-Unis, la Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier. Elle sera la matrice originelle d’un projet plus ambitieux encore qui mènera à la création de l’Union européenne en 1957.

Fast forward. 1990 : le mur de Berlin vient de tomber, l’URSS est à l’agonie. Sous l’impulsion de François Miterrand et d’Helmut Kohl, contre l’avis de Margaret Thatcher, les pays fondateurs se lancent dans un projet d’union monétaire. Le traité de Maastricht est signé en 1992 et l’euro introduit en 1999. Dans le même temps, l’Union continue de s’élargir avec l’intégration de la Suède et de la Finlande (1995), puis, progressivement, des pays de l’ancien bloc de l’Est.

La charrue avant les bœufs

L’année même de l’introduction de l’euro, Robert Mundell reçoit le prix Nobel d’économie pour ses travaux théorisant les conditions sous lesquelles une union monétaire est une solution optimale.

Les pays de la zone euro remplissent certaines des conditions décrites, telles que la libre circulation des biens et du capital au sein de la zone ou la corrélation des cycles économiques. D’autres conditions, cependant, ne sont qu’imparfaitement remplies :

  • du fait de facteurs culturels, la mobilité des travailleurs, bien que permise, est en réalité très faible

  • les politiques sociales ne sont pas harmonisées et les salaires sont peu flexibles

  • en dépit des mécanismes prévus par le traité de Maastricht, les politiques budgétaires et fiscales ne sont pas alignées

  • les niveaux d’inflation des différents pays divergent (à l’entrée dans l’euro mais encore aujourd’hui).

À n’en pas douter, les pères de la monnaie unique avaient conscience de ces failles mais voyaient dans l’euro le point de départ d’un processus d’intégration politique et économique qui aurait pu permettre, progressivement, de parfaire ces conditions.

Nos amis britanniques, eux, pensaient sans doute à cette formule idiomatique qui est la leur : « the tail wagging the dog ». Quand la queue prétend battre le chien. Ne pas mettre la charrue avant les bœufs…

Des conséquences d’une union monétaire précipitée

En leur faisant perdre le levier de la dévaluation compétitive, l’euro révéla rapidement les faiblesses structurelles des économies du Sud de l’Europe, France comprise. Bénéficiant d’un tissu industriel plus dense et plus innovant (mittelstand), de l’accès à une main d’œuvre bon marché venue de l’est et d’une culture d’efficacité du dialogue social, l’Allemagne, progressivement, attirait à elle les bases industrielles européennes. Les réformes menées par Gerhard Schröder de 2003 à 2005 pour améliorer la compétitivité-coût de l’économie allemande parachevèrent le travail.

Combiné à la montée en puissance de l’industrie chinoise, ce différentiel béant de compétitivité se traduisit, pour la France comme pour de nombreux pays européens, par une dérive de leur balance courante entraînant mécaniquement l’accroissement de l’endettement public comme privé.

Un endettement rendu, en outre, moins coûteux par l’union monétaire. Là où, sans l’euro, les marchés auraient exigé des emprunteurs français qu’ils compensent la probabilité de dépréciation du franc par un taux d’intérêt plus élevé, l’euro permettait dorénavant, par effet de mutualisation, d’emprunter à des taux très proches de ceux de l’Allemagne.

Mais comme souvent en environnement dynamique, la facilité engendre la paresse. Une torpeur bien sûr aggravée par la décennie de taux bas et de politique monétaire “non-conventionnelle” de la Banque centrale européenne (2012-2022), jusqu’à l’inévitable et douloureux réveil de la remontée des taux.

Quel avenir pour la zone euro ?

25 ans après l’introduction de l’euro, force est de constater que le mouvement d’intégration économique, sociale et fiscale anticipé par ses fondateurs ne s’est pas matérialisé.

À plusieurs reprises, dans différents pays, les électeurs ont marqué une défiance patente vis-à-vis de la poursuite du projet européen qui leur est présenté. Désincarnées, les institutions européennes semblent totalement sourdes au message envoyé.

Ursula von der Leyen est ainsi reconduite à la tête de la Commission européenne sans véritable débat d’opinion, après un premier mandat lors duquel elle n’a su faire la transparence sur ses négociations avec Pfizer en matière de vaccins anti-Covid (lui valant des poursuites pénales devant la justice belge) et a imposé la nomination à la direction générale de la concurrence d’une économiste américaine précédemment consultante d’Apple, Amazon et Microsoft.

Mario Draghi, ex gouverneur de la Banque centrale européenne, nous propose quant à lui de résoudre le déficit de compétitivité des économies européennes par toujours plus d’institutions, de centralisation des décisions et d’endettement.

Mais revenons aux travaux de Robert Mundell. Ceux-ci nous enseignent que l’euro ne sera pérenne qu’une fois harmonisées les politiques sociales et fiscales des différents pays de la zone. Autant dire : l’intégration politique, sous une forme ou sous une autre.

Chaque citoyen portera une appréciation personnelle sur une telle perspective. Notre propos ici n’est pas tant d’exprimer un jugement quant au bien-fondé d’un tel projet que d’évaluer froidement sa faisabilité au regard de l’opinion publique telle qu’elle s’exprime dans les différents pays concernés.

La fenêtre d’opportunité d’une intégration politique des pays fondateurs de l’Union européenne a possiblement, étroitement existé, jusqu’au début des années 2000. La poursuite d’une extension horizontale plutôt que d’un approndissement de l’Union, et le refus répété de la France et de l’Italie de suivre l’Allemagne dans sa politique de compétitivité, ont selon nous refermé cette fenêtre. Ajoutons que, le temps faisant son œuvre, la force centripète exercée par la mémoire des conflits s’est estompée, au point que les jeunes générations ne perçoivent plus le sens originel du projet européen.

La possibilité d’une dislocation

Nous ne soutenons pas que la dislocation de la zone euro soit une fatalité. Mais les évolutions divergentes des grandes économies de la zone, l’absence de rapprochement des politiques sociales et fiscales, ainsi que la montée de courants politiques radicaux dans de nombreux pays, laissent penser qu’un tel scénario est dorénavant plausible si l’on se projette à 10 ou 20 ans.

Quelles seraient les conséquences d’une dislocation de l’euro et comment s’en protéger ?

De 1949 à 1989, le déficit de compétitivité de la France relativement à l’Allemagne se traduisait par une dépréciation moyenne du franc de 30% par décennie relativement au deutschmark. Il ne fait aucun doute que la dislocation de l’euro, quelle que soit sa forme, se traduirait par une démonétisation très significative de notre franc retrouvé qui, à son tour, provoquerait via les importations une hausse significative des prix à la consommation ainsi qu’un relèvement brutal des taux d’intérêt dans le but de soutenir le franc et d’endiguer l’inflation.

Sur le plan patrimonial, tous les produits monétaires ou obligataires susceptibles d’être convertis en francs lors de la dislocation auraient à subir les effets de cette démonétisation. Nous parlons ici des depôts bancaires sous toutes leurs formes (y compris livrets réglementés) ainsi que des fonds euros d’assurance-vie. Les investissements immobilier seraient également affectés par la perte de richesse des ménages français, dans des proportions possiblement amorties par rapport à la dévaluation monétaire.

Dès lors, existe-t-il des placements permettant de se protéger d’un tel scénario ?

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