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Une rentrée marquée par la pénurie de logements

Parole de pro - Thierry Herrmann (Herrmann Frères et Fils)

Herrmann Frères et Fils est un groupe familial fondé en 1946 spécialisé dans l’investissement locatif et la promotion/rénovation d’immeubles en centres urbains. L’entreprise est propriétaire et gestionnaire d’un portefeuille varié de commerces, bureaux, entrepôts et logements, et a rénové de très nombreux immeubles à Paris, Strasbourg, Lyon ou Nice.

Rue Vernet, Paris

En cette rentrée, les signes d’une pénurie de logements sont omniprésents pour qui se donne la peine d’ouvrir les yeux.

En 13 années à gérer des immeubles dans de grandes villes françaises, nous n’avons jamais observé de telles tensions.

Zéro logement disponible ! Du studio au T5, la situation est la même.

Dernier exemple en date, un appartement rénové mis à la location pour 1 800€ par mois dans un immeuble dont nous sommes propriétaires, proche de la mairie de Neuilly. Plus de 30 candidats sérieux dans les deux heures suivant la publication de l'annonce !

Selon un récent sondage réalisé par OpinonWay pour la société Wellow (spécialiste des solutions de co-living), 88% des moins de 35 ans connaissent ou ont connu des difficultés pour se loger. 31% ont dû retarder ou renoncer à leur passage à l’indépendance et 20% retourner vivre chez leurs parents. 14% ont dû refuser une offre d’emploi faute de logement et 26% renoncer à un projet professionnel. Et le plus grave peut-être : 12% ont été contraints d’abandonner ou de différer leurs études.

Les travailleurs non-salariés sont l’autre catégorie victime de ce déficit d’offre locative. Face à la pléthore de candidats pour chaque appartement à louer, les bailleurs et agences immobilières privilégient sans surprise la sécurité d’un CDI à l’incertitude des revenus d’un professionnel indépendant. 

Comment expliquer une telle situation ?

1️⃣ Des jeunes ménages qui se trouvent écartés de la primo-accession par un coût du crédit trop élevé (en l’absence d’ajustement des prix significatif).
2️⃣ Des livraisons de logements neufs trop faibles au regard des fondamentaux démographiques et de la décohabitation. 
3️⃣ Des banquiers devenus timides de par leurs contraintes de bilan et la rigidité des normes du Haut Conseil de Stabilité Financière. 

Et pourtant, le désir d’être propriétaire de son logement reste fort pour la plupart des Français.

Les ravages de la hausse des taux

Le noeud gordien est la question du financement. Ainsi un pharmacien en début de carrière et son épouse enseignante projetaient de nous acheter un T4 au cœur de Strasbourg pour un prix renegocié à 420 000€. Mais avec un coût du crédit multiplié par 3 en 15 mois, les banques qui sont encore prêtes à les financer exigent un apport personnel de 90 000€ ! La baisse des capacités d’emprunt induite par la remontée des taux, de l’ordre de 25%, est loin d’être compensée par l’augmentation des salaires (+4,7% sur 12 mois selon le ministère du Travail) ou la baisse des prix, encore marginale et limitée à quelques grandes métropoles. Et les taux de crédit continuent de monter…

Le blues de la performance énergétique

A cette hausse des taux s’ajoutent les obligations de rénovation énergétique. En vertu de la loi Climat et Résilience, les logements les plus énergivores (G+) ne peuvent plus être loués depuis le début de l’année. Suivront les logements G en 2025, F en 2028 et E en 2034. Et les professionnels du secteur savent à quel point les diagnostics de performance énergétique (DPE) octroyés sont sujets à caution. À titre d’illustration, une simple facture manquante sur des travaux réalisés par le passé peut se traduire par une dégradation radicale du DPE, indépendamment de la qualité réelle du logement. Soulignons aussi que certains prestataires de la rénovation profitent de l’appel d’air pour chercher à vendre des prestations qui ne sont pas strictement nécessaires.

Boulevard Victor Hugo, Nice.

Enfin, ajoutons que dans les villes pratiquant l’encadrement des loyers, la possibilité de revaloriser le loyer suite à des travaux est souvent très limitée, voire inexistante. L’obligation de rénovation est alors vécue par le propriétaire comme une contrainte punitive.

Nul ne conteste la noblesse de l’objectif visé par cette loi. Mais mal informés, trop peu accompagnés, les propriétaires bailleurs ont le blues et certains préfèrent retirer leurs biens du marché locatif.

L’alternative AirBnb

Dans de telles conditions, certains propriétaires peuvent considérer la location saisonnière comme la solution à leurs difficultés. Rappelons que ce type de location n’est soumis ni aux obligations de rénovation énergétique ni au plafonnement des loyers et bénéficie d’une fiscalité plus avantageuse que la location longue durée.

Faut-il drastiquement contingenter la location saisonnière, tel que l’envisage la mairie de Paris ? Ce type d’hébergement répond pourtant à un besoin et peut permettre de développer le potentiel touristique de certaines villes.

Ou faut-il simplement égaliser le terrain de jeu de telle sorte que le même cadre fiscal et les mêmes obligations de rénovation énergétique s’imposent aux différentes formes de location ?

La réponse de l’innovation

Une telle période de tension est propice au développement de nouvelles solutions.

Le co-living se fait progressivement une place dans le paysage urbain en offrant des espaces optimisés et des formules de logement plus flexibles. Les offres développées par Colonies (résidences et maisons de ville) ou Dovivio (appartements urbains) répondent de toute évidence à une demande émergente.

Sur le front du financement, les solutions d’accession progressive développées par de jeunes sociétés telles que Sezame, Virgil, Hestia ou Acqer retiennent l’attention (NDLR : nous préparons un article complet sur le sujet).

L’impérieuse nécessité de rénover et de construire

Pourtant, face aux fondamentaux démographiques et au mouvement de “décohabitation”, ces solutions ne suffiront pas. Nous ne sortirons de ce marché de pénurie qu’en accélérant le mouvement de rénovation des logements vétustes et en relançant la construction de logements neufs éco-responsables et abordables, proches des bassins d’emploi, dans le secteur social comme dans le secteur intermédiaire.

Or la rareté du foncier, combinée à l’inflation des coûts de construction et à la hausse des taux de crédit, ne permet plus aux opérateurs d’assurer une marge positive ni aux bailleurs de dégager un rendement locatif cohérent avec l’environnement de taux.

Rue des grandes arcades, Strasbourg.

Assurer un logement à tous les Français doit devenir une cause nationale. Devenu structurel à force d’être ignoré, le déficit de logements ne pourra se résorber qu’avec l’appui des pouvoirs publics. Nous n’avons pas toutes les solutions mais alléger la pression fiscale colossale qui pèse sur le logement (au travers notamment de la TVA et des droits de mutation) et créer un système d’incitation vertueux pour les maires bâtisseurs en zone tendue serait un bon début.

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Sources et bibliographie