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La stigmatisation des rachats d'actions, symbole ultime de l'inculture financière

Les belles intentions affichées par l’exécutif - qui jurait ces dernières semaines que le rétablissement des finances publiques passerait par la maîtrise des dépenses plutôt que par de nouveaux impôts - n’auront pas tenu bien longtemps. Le Figaro rapporte l’intention de Bercy de taxer les rachats d’actions dès cette année.

Qu’est-ce qu’une opération de rachat d’actions ?

Le rachat d’actions permet à une entreprise qui dispose de réserves de trésorerie de restituer du capital à ses actionnaires. Sur le plan économique, l’opération a strictement les mêmes effets qu’un versement de dividendes. Seules les modalités opérationnelles diffèrent, chaque actionnaire étant libre d’apporter tout ou partie de ses titres à l’opération de rachat tandis que le dividende, lui, est partagé entre tous les actionnaires.

Le signal envoyé au marché, en revanche, diffère. Le relèvement du dividende crée inévitablement une attente de récurrence tandis que le rachat d’actions est perçu comme une opération exceptionnelle, expliquant pourquoi, selon les circonstances, les dirigeants favorisent une technique plutôt que l’autre.

En théorie financière, le rachat d’actions se justifie lorsque l’entreprise ne dispose plus de possibilités d’investissement offrant des perspectives de rendement interne (TRI) supérieures à son coût du capital. Ce n’est certes pas un constat réjouissant mais un dirigeant lucide qui choisit de restituer à ses actionnaires une partie de leur capital est toujours préférable à celui qui s’entête à le conserver inemployé.

Sur le plan macro-économique, de telles opérations participent à la circulation du capital et à son allocation efficiente au sein de l’économie. Le capital improductif ainsi libéré par ces entreprises est, par l’entremise des investisseurs, redéployé vers celles dont les projets présentent les meilleures perspectives de création de valeur. Il s’agit en quelque sorte d’une forme apaisée de la destruction créatrice décrite par Schumpeter.

L’abus de rachats d’actions est-il dangereux pour la santé ?

Mais la technique a mauvaise presse. Le Monde n’y voit rien de moins que le symbole ultime des dérives du capitalisme financier. Le chef de l’État lui-même dénonçait il y a un an le « cynisme à l’œuvre » des entreprises procédant à des rachats d’actions.

On fait souvent à ces opérations le procès de relever d’une logique de manipulation des cours de bourse. Des études montrent pourtant qu’elles n’ont qu’un effet négligeable sur les cours, très vite dissipé, et que leur hypothétique utilisation par les dirigeants à des fins de détournement des systèmes d’incentives relève du fantasme.

Comme toute technique financière, les rachats d’actions peuvent bien entendu s’avérer néfastes s’ils sont employés à mauvais escient. Toute entreprise doit conserver une capacité d’investissement qui lui permette, a minima, d’entretenir son outil de production sans hypothéquer l’avenir. De la même façon, à l’instar des dividendes, il est de bonne gestion que les rachats d’actions soient auto-financés par les bénéfices de l’entreprise plutôt que par recours à l’endettement.

De telles dérives - non-avérées pour ce qui concerne les grandes entreprises françaises - peuvent facilement être encadrées si tel est le souhait du législateur.

De l’utilisation inappropriée de l’arme fiscale

Mais plutôt que de poser de simples gardes-fous à titre préventif, Bercy s’apprête semble-t-il à utiliser l’arme fiscale. Lorsque le déficit dépasse 5 % du PIB et que l’on a renoncé à maîtriser la dépense publique, même les problèmes les plus virtuels commencent à ressembler à des recettes fiscales !

Pourtant, si l’on se place dans un environnement franco-français, les rachats d’actions sont loin d’être une martingale d’évitement de l’impôt. Dans un premier temps, les bénéfices qui permettent de financer une telle opération ont été taxés au titre de l’impôt sur les sociétés (25 %). Puis le rachat d’actions à proprement parler, dès lors qu’il se traduit par une plus-value pour l’investisseur, donne lieu à une seconde imposition (flat tax de 30 % pour une personne physique en régime général).

Si l’exécutif imagine une nouvelle couche de prélèvement, c’est que les grandes entreprises procédant à de tels rachats d’actions (TotalEnergie, BNP Paribas et LVMH forment le tiercé de tête) ne sont redevables de l’impôt sur les sociétés en France que pour une faible part de leurs résultats et qu’à leur tour, leurs actionnaires sont en grande partie situés à l’étranger. Le fait générateur du rachat d’actions, lui, présente l’immense avantage d’être à portée de Bercy.

Le rendement réel d’un tel impôt sera néanmoins très faible. Selon Le Figaro, le ministère travaillerait sur l’hypothèse de 300 M€ de recettes annuelles pour une taxe de 1 %. Car la marge d’actions est infime : un taux plus élevé serait immanquablement arbitré, poussant les entreprises à distribuer sous forme de dividendes plutôt que de rachats d’actions. Ce nouvel impôt nuira par ailleurs à l’attractivité de Paris comme lieu de centralisation des activités européennes de groupes multinationaux. Le jeu en vaut-il vraiment la chandelle ?

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