Risque d'embrasement au Proche-Orient
Quelles conséquences économiques ?
Impossible d’ouvrir un tel article sans exprimer en premier lieu ma compassion pour les familles touchées par les actes d’un nihilisme abject commis le week-end dernier en Israël, comme pour celles qui en subissent les retombées aujourd’hui à Gaza.
Un risque d’embrasement régional
Nous partirons d’un postulat : cette crise, de par sa violence et le contexte géographique et historique dans lequel elle s’inscrit, a une « énergie potentielle » pouvant causer un conflit régional majeur.
La tentation d’établir un parallèle avec la guerre du Kippour d’octobre 1973 est, à ce stade, infondée. Israël faisait à l’époque l’objet d’une attaque coordonnée de quatre pays voisins (l’Égypte et la Syrie, rejoints par la Jordanie et l’Irak).
Aujourd’hui, c’est vers le Liban et l’Iran que le conflit pourrait s’étendre si l’implication iranienne dans l’attaque initiale était confirmée ou que le Hezbollah choisissait de se joindre aux combats.
Les positions qu’adopteraient respectivement l’Arabie Saoudite, la Turquie ou encore la Russie dans une guerre régionale sont autant d’inconnues.
Il est bien sûr impossible d’assigner une probabilité à ce scénario : le pire n’est jamais certain. Mais il semble suffisamment plausible pour mériter que l’on se pose la question des répercussions économiques qu’il faudrait en attendre.
Flight to quality
La première réaction des marchés financiers serait immanquablement le réflexe dit de flight to quality : se mettre à l’abri sur les valeurs les plus sûres. Les taux des bons du trésor américains et, dans une moindre mesure, allemands et français, seraient immédiatement entraînés à la baisse.
Ce phénomène a d’ailleurs déjà commencé avec une baisse d’environ 20 points de base sur la semaine écoulée. Il s’amplifierait en cas d’extension du conflit.
Les flux financiers en question entraineraient également une hausse du dollar contre toutes les autres devises. D’autres valeurs refuges tels que le franc suisse et l’or s’apprécieraient également (l’or a déjà pris 5%).
Les sanctions à l’encontre de l’Iran et la question d’Ormuz
L’impact d’une régionalisation du conflit sur les cours du pétrole est plus incertain.
Commençons par noter qu’Israël n’est pas un pays producteur de pétrole significatif. Bien que plus importante, sa production gazière, exportée notamment vers la Jordanie et l’Égypte, ne pèse que pour 0,5% de la production mondiale.
Par ailleurs, l’Histoire nous apprend que lors des chocs géopolitiques, le cours du pétrole est tiraillé entre les risques de disruption de l’offre (forte hausse des cours lors de l’invasion du Koweït par l’Irak en 1990) et le risque récessionniste sur la demande (baisse des cours après les attentats du 11 septembre 2001).
La production de pétrole iranienne, qui était tombée de 3,8 millions de barils par jour à 2,2 millions suite aux sanctions américaines mises en place sous l’administration Trump est repartie à la hausse ces derniers mois grâce, notamment, à des exportations vers la Chine.
Face à l’émotion suscitée par les événements en Israël, ce sujet du contournement des sanctions américaines prend un tour politique. Ces derniers jours, de nombreuses voix républicaines (Donald Trump, Ron de Santis, Kevin McCarthy, Lindsey Graham) ont appelé à une application plus stricte des sanctions. Ceci pourrait prendre la forme d’une surveillance renforcée du goulet que constitue le détroit d’Ormuz. On peut également imaginer qu’en cas de guerre ouverte avec Israël, les infrastructures de production iraniennes feraient partie des cibles prioritaires.
Dans un scénario d’escalade, l’Iran ne manquerait pas de semer la terreur dans le détroit d’Ormuz, fermant la principale route d’exportation de pétrole du Proche-Orient. L’Europe, la Chine et l’Inde en seraient les premières victimes collatérales sur le plan économique.
Le risque récessionniste et le dilemme des banques centrales
L’embrasement du Proche-Orient viendrait s’ajouter à la guerre en Ukraine comme facteur d’incertitude affectant les décisions des agents économiques. Il en découlerait inévitablement une période d’attentisme qui affecterait les comportements de consommation et d’investissement et se traduirait vraisemblablement par l’entrée (ou la rechute) en récession des principales économies européennes.
Une telle crise accélèrerait également la correction en cours des prix de l’immobilier. Rappelons qu’en 1990, l’invasion du Koweït par l’Irak avait été le catalyste d’une baisse des prix qui avait atteint 40% à Paris (1998 vs 1991). La situation actuelle du marché immobilier est différente et, en l’absence de phénomènes spéculatifs tels que ceux qui existaient alors, le potentiel de baisse certainement moindre. Il n’en reste pas moins que dans un marché déjà déstabilisé par une hausse des taux violente ayant désolvabilisé les candidats à l’emprunt, l’effet incrémental d’un nouveau facteur d’incertitude peut être important.
Enfin, un dollar renforcé et un cours du pétrole élevé se traduiraient par un nouveau tour d’inflation. Le dilemme actuel de la Banque centrale européenne, cherchant un fragile équilibre entre lutte contre l’inflation et risque récessionniste, serait rendu plus complexe encore.
Pour les populations directement affectées par ce conflit comme pour ses conséquences économiques, souhaitons que la sagesse prenne le pas sur l’émotion.
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