Projet de loi de finances 2024
Abondance forever
Le projet de loi de finances 2024 présenté le 27 septembre en Conseil des ministres est un document de 119 pages dans lequel on peut se perdre pendant des heures sans parvenir à en tirer la moindre information utile. Nous allons essayer de vous éviter cet écueil.
Des hypothèses macroéconomiques optimistes
Commençons par le commencement. Le budget présenté par Bruno Le Maire repose sur un jeu d’hypothèses macroéconomiques qui paraît quelque peu optimiste :
Une croissance du Produit Intérieur Brut de 1,4% en 2024 (contre 1% en 2023);
Un recul rapide de l’inflation qui tomberait à 2,5% en 2024;
Une consommation des ménages qui rebondirait de 1,8% en 2024 (contre -0,2% en 2023).

L’hypothèse de croissance du PIB est mise en doute au sein même de l’appareil d’État, le Haut Conseil des finances publiques la jugeant “élevée” et la Banque de France ayant publié quelques jours auparavant une projection à seulement +0,9% pour l’année 2024.
Pour notre part, c’est surtout l’hypothèse d’une maîtrise rapide de l’inflation qui nous semble teintée de rose, au moment où, d’une part, l’Insee publie des chiffres montrant que celle-ci ne recule plus : +5,6% sur 12 mois à fin septembre pour l’Indice des Prix à la Consommation Harmonisé et, d’autre part, les cours du pétrole et du gaz repartent à la hausse. Si, comme nous l’anticipons, le dentifrice de l’inflation ne rentre pas dans son tube aussi vite que souhaité, le rebond de la consommation des ménages sera lui-même retardé.
Nul n’a de boule de cristal et il faut souhaiter que l’avenir donne raison aux prévisions de Bercy. Disons simplement que la base de travail retenue par Bruno Le Maire est celle des colombes et que le risque d’une mauvaise surprise semble élevé.
Aucun effort sur la dépense publique
En dépit des discours sur la “fin de l’abondance”, les seules réductions de dépenses significatives concernent le bouclier énergétique et autres dispositifs d’aides liés au coût de l’énergie (-14,4 milliards d’euros). Le fait que, quelques jours auparavant, le Président de la République ait annoncé le retour d’un chèque énergie sous condition de ressources qui ne figure pas dans le projet de loi de finances jette cependant un doute sur l’économie projetée.
Le PLF contient peu de mesures d’économies structurelles.
De nombreuses mesures d’économie un temps envisagées ont finalement été rangées dans les tiroirs : réforme du délai de carence sur les congés maladie, doublement de la franchise sur les médicaments, reste à charge sur le Compte Personnel de Formation…
A l’inverse, les hausses de dépenses sont légion : indexation des retraites et autres prestations sociales sur l’inflation, revalorisation exceptionnelle des enseignants, hausse du point dans la fonction publique, planification écologique, défense. S’y ajoute la création de 8.300 postes de fonctionnaires (après 10.800 en 2023), dont plus de la moitié à l’Intérieur et à la Justice. L’objectif d’une stabilisation de l’emploi public sur le quinquennat est de facto enterré.
Pris individuellement, chacun de ces efforts paraîtra légitime. Néanmoins, lorsque le point de départ est une dépense publique égale à 56% du PIB pour des services publics souvent défaillants, on peut regretter l’absence de remise en question de l’efficacité du socle des dépenses existantes.
Au final, Bercy nous annonce un recul très modeste (-1%) de la dépense publique en 2024, grâce à l’effet de base du bouclier énergétique, puis une reprise de l’inexorable hausse de ces dépenses à partir de 2025.
Une pression fiscale toujours très élevée
En dépit des éléments de langage sur la “poursuite des réductions d’impôts”, un nouveau tour de vis fiscal est donné, devant permettre une augmentation de 3,9% des recettes en 2024. Les principales évolutions défavorables sont listées ci-dessous :
La fin des allègements de taxes sur le gazole non-routier (bénéficiant à l’agriculture et au BTP);
La confirmation de la fin du dispositif Pinel sur l’investissement locatif à fin 2024;
Une nouvelle taxe sur les autoroutes et les aéroports;
Un durcissement du malus écologique sur les véhicules et son extension aux motorisations hybrides;
Une augmentation de la redevance des agences de l’eau;
Une marche arrière sur la suppression de la CVAE sur les entreprises qui ne sera finalement réduite que de 25%.
La communication de Bercy quant à l’impact de l’inflation est aussi inventive que sélective. Il est ainsi souligné que la révision du barème de l’impôt sur le revenu pour tenir compte de l’inflation coûtera 6,1 milliards d’euros à l’État, ce qui constitue dans le meilleur des cas un abus de langage puisque l’assiette des revenus imposables aura elle-même progressé à un rythme très proche de celui de l’inflation.
Aucune mention, en revanche, de la façon dont l’inflation gonfle l’assiette de la TVA et d’innombrables autres taxes, ni des économies induites par la non-indexation des plafonds de ressources attachés à certains dispositifs tels que le Prêt à Taux Zéro.
La réforme du régime fiscal des locations de courte durée, pourtant annoncée, ne figure pas dans le projet présenté.
On note par ailleurs la création de deux nouveaux avantages fiscaux :
Un crédit d’impôts sur les investissements des industries vertes made in France (batteries, pompes à chaleur, solaire, éolien);
Une exonération de taxe foncière de longue durée pour les logements faisant l’objet de rénovation énergétique (évoquée de façon furtive sans plus de détails).
Vous avez dit désendettement ?
Ainsi, tout en se fondant son travail sur des hypothèses favorables, Bercy nous annonce un déficit public 2024 de 145 milliards d’euros, hors collectivités locales, sécurité sociale et régimes de retraites. L’appareil public français dépense 37% de plus qu’il ne sait collecter d’impôts !
Ce #PLF2024 est la première marche ambitieuse pour accélérer le désendettement de notre pays et réduire notre dépense publique.
Bien tenir les finances publiques, c’est garantir l’avenir de la France et lui permettre d’être libre et indépendante.— Bruno Le Maire (@BrunoLeMaire)
Sep 27, 2023
Avec un déficit équivalent à 4,4% du PIB, la France sera le dernier grand pays européen à ne pas avoir remis ses finances publiques en ordre suite à la sortie de la pandémie.
Afin de financer notre addiction à la dépense publique, l’État devra emprunter l’an prochain le montant record de 285 milliards d’euros, portant notre dette publique à plus de 3,2 trillions d’euros. Même exprimée en points de PIB, celle-ci restera au niveau record de 109,7%.
La réaction des marchés, elle, ne s’est pas faite attendre et le coût de l’emprunt d’État français à 10 ans a touché hier son plus haut niveau depuis 2011 à 3,51%.
Nous sommes loin d’avoir même commencé à nous désendetter.
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