- MoneySmart
- Posts
- Naissance d'une nouvelle association professionnelle du courtage
Naissance d'une nouvelle association professionnelle du courtage
Interview de Géraud Cambournac
Fort de 18 ans d’expérience comme courtier en opérations de banque et d’assurance, Géraud Cambournac est Directeur général de Courtensia, la nouvelle association professionnelle agréée par l’ACPR le 8 décembre dernier. Il a participé de 2018 à 2020 aux négociations avec le ministère de l’Économie et des Finances concernant la réforme du courtage et représente la profession au sein du Comité Consultatif du Secteur Financier (CCSF).
Olivier Lendrevie : Bonjour Géraud. Vous venez de fonder Courtensia, une nouvelle association professionnelle pour les intermédiaires en crédit et en assurance. Pouvez-vous nous rappeler quel est le rôle de ces associations d’auto-régulation ?
Géraud Cambournac : Je répondrai en deux temps. Le premier point concerne les missions règlementaires des associations agréées qui sont au nombre de 5 : la médiation, l’accompagnement, les sanctions, la vérification des conditions d’accès (capacités initiale et pénale) et d’exercice (formations annuelles) et enfin les remontées statistiques à l’ACPR. En second lieu nous avons à cœur d’apporter plus à nos adhérents par une présence réelle à leurs côtés, la fourniture d’une bibliothèque de documents règlementaires et des réponses à leurs multiples questions relatives à leur quotidien. Sur ce dernier point Courtensia excelle, selon les dires de nos adhérents.
OL : Il existait déjà 7 associations de ce type. Pourquoi en fallait-il une 8ème ? Quelle est votre unique selling proposition vis-à-vis de vos adhérents ?
GC : Partager, accompagner, sécuriser. Et ce n’est pas qu’un slogan. Nous proposons un service reconnu « premium » par nos adhérents, qui va au-delà de nos obligations. La valeur ajoutée que nous apportons passe par une réactivité à toutes leurs demandes. Ayant longtemps été courtier moi-même, je connais bien le métier et sais ainsi ce dont ils ont besoin. Par ailleurs membre de la commission d’immatriculation de l’Orias depuis 10 ans, je les aide dans la procédure d’inscription et/ou de renouvellement. Et enfin membre du CCSF, je défends leurs intérêts auprès des pouvoirs publics.
Je rappelle en outre que la ou les associations qui n’auront pas, à partir du 22 mars 2024 (soit 2 ans après avoir obtenu leur sésame), au moins 10 % du nombre total de professionnels tenus à l’obligation d’adhésion, verront, si l’ACPR applique les textes du décret du 1er décembre 2021, leur agrément supprimé.
OL : La période récente a été difficile pour le secteur du courtage en crédit. De nombreuses banques ont voulu réduire la voilure sur le crédit et ont vu dans le courtage la variable d’ajustement prioritaire. Comment voyez-vous la suite ?
GC : Je regrette la politique des prêteurs qui agissent en stop and go. Leur vision « court-termiste » n’est pas à la hauteur des enjeux et du poids économique et social que représente le marché immobilier. Certes la politique monétaire récente, avec des taux nuls voire négatifs et une méthode ancestrale de calcul du taux de l’usure conjuguée à la remontée des taux, a eu pour conséquence un resserrement des marges et donc une augmentation des dossiers refusés. Mais au-delà de ce contexte, le non-respect par les banques de la loi, au regard du mandat ou de l’assurance emprunteur, qui n’est pas sanctionné, me laisse dubitatif. Le poids de la Fédération des Banques Françaises n’y est probablement pas étranger même si elle s’interdit toute ingérence dans les politiques commerciales de ses membres. Autre sujet, l’annonce de Bruno Le Maire sur le droit à une seconde chance suite à un refus de prêt : je suis curieux de voir comment cela va se traduire sur le terrain. Affaire à suivre…
OL : Et l’opposabilité du mandat de courtage, confirmée en décembre 2022 par le ministre : poudre aux yeux ou game changer ?
GC : Tant que personne ne surveillera la mise en application des bonnes intentions de nos politiques, ils pourront continuer à faire de grandes déclarations sur les ondes. Gouverner c’est prévoir, or force est de constater que la gestion à la petite semaine de la politique du logement pénalise tous les acteurs du secteur. Et ils sont nombreux : notaires, promoteurs, lotisseurs, agents immobiliers, diagnostiqueurs, sans oublier les collectivités locales qui voient leurs recettes fondre. L’absence d’un ministère du logement dans le nouveau gouvernement est une preuve flagrante de ce désintérêt du microcosme parisien. Une folie, un oubli, ou un acte volontaire ?
Le recours croissant à la location, avec les locations longue durée ou locations avec option d’achat pour l’automobile et les projets de location accession pour l’immobilier m’inquiètent. Vous ne posséderez rien et vous serez heureux...
OL : Et pour conclure, quels sont selon vous les principaux enjeux de transformation auxquels la profession doit se préparer pour les années qui viennent ?
GC : Les premiers cabinets de courtage (CAFPI des frères Assouline) ont 50 ans. Depuis, la part de marché de l’intermédiation n’a cessé de croître et le marché anglo-saxon fonctionne majoritairement avec des courtiers, ces derniers offrant un service hautement plus qualifié que les personnels des agences bancaires. Les banques en ligne, elles, disparaissent les unes après les autres. Les courtiers sont enregistrés à l’ORIAS, leur exercice vérifié par des associations professionnelles et par l’ACPR ; leurs collaborateurs sont formés et ont un devoir de conseil auprès de leurs clients. Bref je suis persuadé de la pertinence de ce modèle économique, dans l’intérêt du consommateur, à deux conditions : surveiller sa trésorerie et diversifier ses activités vers l’assurance, le crédit à la consommation, le réméré ou le prêt professionnel.
L’attirance de fonds d’investissement vers ce métier doit nous rassurer sur la viabilité et la pérennité du courtage en France. Nous avons de vrais professionnels, des hommes et des femmes passionnés et investis. Les courtiers traverseront la tempête comme ils l’ont fait en 2008-2009 lors des subprimes ou en 2011-2012 lors de la crise de l’euro.
Parce qu’elle a contribué à faire baisser les taux d’intérêts, qu’elle ouvre le marché à la concurrence et permet une nette réduction de la charge de remboursement et du coût total des crédits des consommateurs, la profession de courtier devrait être déclarée d’intérêt général.
OL : Merci, Géraud, et longue vie à Courtensia.
Clarification sur les formations obligatoires au titre de la Directive sur la Distribution d’Assurances (DDA)
Une certaine confusion régnait jusqu’alors concernant les mandataires d’intermédiaires d’assurances (MIA) qui exercent à titre accessoire ; se fondant sur une recommandation de l’ACPR de février 2019, certains acteurs estimaient que le programme de 15 heures de formation n’était pas obligatoire.
L’ACPR nous a cependant confirmé par courrier, courant décembre 2023, que sans exception aucune, tous les IAS doivent mettre à jour leurs connaissances par un stage annuel de 15 heures. Les États ne sont pas habilités à amender les principes issus d’une directive européenne.
En l’espèce, les mandataires d’intermédiaires, MIA (et MIOBSP) sont une spécificité française sans équivalent dans les autres pays européens. Lors de la négociation de cette directive, notre délégation nationale a ignoré ce point, d’où l’absurdité d’appliquer ces 15 heures de formation à cette population qui exerce essentiellement à titre accessoire et ne commercialise le plus souvent qu’un seul produit (assurance emprunteur ou contrat obsèques…).
Près de 29 000 MIA sont inscrits à l’Orias début 2024 !
Il ressort donc sans ambiguïté que :
- Tous les IAS sont soumis à la DDA
- Tous doivent suivre 15 heures de formation par année civile
- Ces 15 heures peuvent intégrer du développement professionnel lié notamment aux produits distribués, au poste occupé ou au type de distributeur.
L’association Courtensia validera en 2024 des attestations de formations de 15 heures incluant les thèmes précités.