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Lutte contre l'inflation : nous entrons dans le dur

Hier, Eurostat publiait son estimation de l’inflation en zone Euro sur 12 mois à fin juillet : 5,3% (vs 5,5% à fin juin). Quelques jours plus tôt, c’était l’Insee qui annonçait pour la France une estimation à 5% (vs 5,3% à fin juin, sur la base de la méthodologie harmonisée européenne).

Les nouvelles sont donc bonnes, à première vue. Et pourtant, le sujet de l’inflation continue d’inquiéter en haut lieu.

Pour le comprendre, il faut prendre un peu de hauteur. Ci-dessous l’évolution de l’inflation en zone Euro depuis début 2021.

Il s’en dégage le tableau suivant :

  • Alors que l’inflation en zone Euro était restée depuis 2013 sous l’objectif des 2% que se fixe la Banque centrale européenne, sa résurgence est nettement visible dès le mois d’août 2021. Fin 2021, quelques semaines avant l’invasion de l’Ukraine, elle franchit déjà la barre des 5%.

  • Le pic d’inflation est atteint en octobre 2022. La normalisation des cours de l’énergie permet ensuite un recul régulier de l’inflation jusqu’à son niveau actuel. A titre d’illustration, le cours du pétrole a retrouvé aujourd’hui un niveau équivalent à celui de début 2022 et le cours du gaz n’avait plus été aussi bas depuis 2020, au pire de la pandémie.

  • L’inflation sous-jacente (c’est à dire hors énergie et alimentation), elle, raconte une toute autre histoire. Sa montée est plus lente, jusqu’à atteindre un plateau (et non un pic) compris entre 5% et 6% à partir d’octobre 2022. Aucun signe de reflux à ce stade.

  • Le niveau de l’inflation sous-jacente croise celui de l’inflation globale à partir de juin 2023, indiquant que la hausse des prix des biens et services devient maintenant le principal moteur du phénomène inflationniste.

Et si l’on faisait le même exercice sur l’inflation en France, vous interrogez-vous. Il suffit de demander…

Le tableau est plus subtil, mais tout aussi intéressant :

  • La poussée inflationniste est atténuée d’environ un tiers (attention à la différence d’échelle avec le premier graphe), avec un pic à 7,3% vs 10,6% en zone Euro. On peut intuitivement mettre cela sur le compte de boucliers tarifaires plus fortement protecteurs des consommateurs.

  • Si le pic d’inflation est un peu plus tardif en France (février 2023), la forme de la courbe est globalement la même.

  • L’inflation sous-jacente, quant à elle, est marginalement plus élevée que celle observée en zone Euro et ne montre pas, à ce stade, de signes de reflux.

En France comme en zone Euro, l’inflation est aujourd’hui revenue à son niveau de début 2022, avant l’invasion de l’Ukraine. Dès lors, pourquoi le sujet suscite-t-il tant d’inquiétudes chez les économistes de nos banques centrales et de nos ministères ?

Parce qu’en l’espace de 18 mois, le mal qui n’était initialement nourri que par les prix de l’énergie s’est propagé à l’ensemble de l’économie.

La persistance d’une inflation sous-jacente aussi élevée est un indice fort qu’une boucle prix-salaires auto-nourrie s’est installée dans le paysage économique. Ainsi, le dernier indice des salaires de base du secteur privé publié par le ministère du Travail montre une progression de 4,7% sur 12 mois cohérente avec l’inflation sous-jacente actuelle.

Le recul de l’inflation de ces derniers mois reposait essentiellement sur des facteurs exogènes. Pour ramener l’inflation vers sa cible de 2%, les trois derniers points seront les plus durs à aller chercher. Déraciner l’inflation sous-jacente n’est jamais une partie de plaisir.

C’est malheureusement le prix à payer pour dix années de politique monétaire débridée, doublées du quoiqu’il en coûte budgétaire des années Covid.

Sources

Je tiens mes séries statistiques en format Excel à la disposition des abonnés MoneySmart Prime.