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Logements vacants : les idées courtes à l'épreuve du réel

Il y a 3 millions de logements vacants en France ! L’argument était brandi, tel un crucifix, face à ceux qui s’inquiètaient de la pénurie croissante de logements dans les grands bassins d’emploi. Et comme, au pays de Colbert, il n’est de problème qu’une taxe puisse résoudre, la Taxe sur les Logements Vacants (TLV), à elle seule, ferait office de politique du logement. Ou en version Harry Potter : Expelliarmus !

Dans un rapport publié le 22 mai, la Cour des comptes rétablit quelques vérités.

Vacance frictionnelle et vacance structurelle

On recensait en France, en 2022, 3,1 millions de logements vacants contre 1,9 millions en 1990. Bien qu’en augmentation, le taux de vacance - estimé à 8 % du parc de logements - reste conforme à la moyenne de l’OCDE.

Dans l’analyse du phénomène des logements vacants, il est essentiel de distinguer deux notions fondamentales : la vacance frictionnelle (ou conjoncturelle) et la vacance structurelle. Ces deux formes de vacance n’ont ni les mêmes causes, ni les mêmes implications pour le marché immobilier.

La vacance frictionnelle désigne une période courte d’inoccupation entre deux occupants. Cette vacance est considérée comme nécessaire au bon fonctionnement du marché immobilier, permettant la mobilité résidentielle et l’ajustement entre l’offre et la demande. Un logement peut rester vacant le temps de trouver un nouveau locataire, d’effectuer des travaux légers ou d’être vendu. Ce type de vacance n’appelle pas d’intervention particulière de la part des pouvoirs publics.

À l’inverse, la vacance structurelle concerne les logements inoccupés sur une longue durée - plus de deux ans selon les critères généralement utilisés par les observatoires publics - soit 1,1 millions de logements. Elle peut être le signe d’un blocage ou d’une inadéquation persistante entre le logement et la demande du marché. La vacance structurelle prive durablement le marché de logements potentiellement disponibles et peut entraîner une dégradation progressive du bien.

Opérer cette distinction est crucial pour cibler efficacement les actions publiques et privées en faveur de la remise sur le marché des logements vacants.

Des causes de la vacance structurelle

Pour lutter contre la vacance structurelle, encore faut-il en comprendre les causes. Une étude publiée fin 2023 par le ministère de l’Amènagement du Territoire et de la Transition écologique met en lumière que 70 % des logements vacants depuis plus d’un an sont touchés par une inadéquation de leurs caractéristiques et/ou de leur emplacement, ou encore par une problématique spécifique au propriétaire.

Sans surprise, la qualité et le confort du logement jouent un rôle central. L’obsolescence du logement, à des degrés divers, contribuerait à expliquer 45 % des situations de vacance structurelle. Plus un logement est mal classé au cadastre, plus il a de chances de rester vide. Ainsi, un bien classé dans les catégories 7 ou 8 (les moins favorables) a un risque de vacance structurelle quatre fois supérieur à celui des meilleurs logement (catégories 1 à 4). L’ancienneté du bâtiment compte aussi : les logements construits avant 1900 sont trois fois plus susceptibles d’être vacants que ceux construits depuis 1999.

L’emplacement du logement et la proximité des bassins d’emploi est un autre facteur déterminant. La carte de la vacance structurelle fait apparaître, comme une copie carbone, la diagonale du vide qui traverse la France des Hautes Pyrénées jusqu’à la Meuse. Alors que le taux de vacance structurelle dépasse 8 % dans de nombreux départements ruraux ainsi qu’aux Antilles, il n’est que de 1,5 %, en moyenne, dans les zones classées comme tendues au titre de la loi ALUR, ramenant le potentiel de remise sur le marché sur ces zones à seulement 118.330 unités.

Enfin, 20 % des logements durablement vacants sont détenus par des propriétaires à faibles revenus, placés en structures collectives (EHPAD) ou décédés (successions en cours).

Des mesures d’accompagnement peu impactantes

La lutte contre la vacance passe par la sécurisation des propriétaires pour encourager la remise en location des logements inoccupés. Sur ce plan, la Cour des comptes souligne que, sous couvert de simplification, l’évolution du dispositif « louer abordable », devenu « loc’avantages » en 2022, s’est traduite par une réduction des avantages fiscaux accordés aux propriétaires, désormais conditionnés à un plafonnement des loyers de 15 % à 45 % en dessous du niveau de marché. Sans surprise, le nombre de conventionnements au titre de ce dispositif s’est réduit de 150.000 logements en 2017 à 100.000 logements en 2022.

Dans le même temps, une nouvelle prime de « sortie de la vacance » a été instaurée en 2024 dans le cadre du programme national France Ruralités, afin d’augmenter le parc locatif de qualité tout en limitant l’artificialisation des sols grâce à la réhabilitation du patrimoine bâti existant. D’un montant de 5 000 € par logement, cette prime est destinée aux propriétaires qui remettent sur le marché des logements vacants depuis plus de deux ans, situés dans les communes classées 5, 6 et 7 selon la grille de densité de l’Insee, dans le cadre d’une opération programmée d’amélioration de l’habitat ou d’un programme d’intérêt général soutenu par l’Agence nationale d’amélioration de l’habitat (ANAH). Ce nouveau dispositif prévoit l’attribution de 2 500 primes par an pendant trois ans et coûte vraisemblablement plus cher à administrer qu’il n’octroie d’aides.

La fiscalité, réponse universelle à tous les problèmes du pays

La politique du logement s’écrivant à Bercy, dans ce domaine comme dans bien d’autres, il n’est guère surprenant que le levier fiscal soit progressivement devenu l’alpha et l’oméga de la lutte contre la vacance.

Ainsi, le champ d’application géographique de la TLV, créée en 1998, a été considérablement élargi en 2024, touchant désormais 3.700 communes classées en zone tendue. Celle-ci est due sur tout logement vacant depuis au moins un an, hors situations indépendantes de la volonté du propriétaire. Le taux de cette taxe a également été relevé pour s’établir à 34 % de la valeur locative théorique à compter de la deuxième année de vacance.

Rappelons en outre que depuis 2007, les communes hors du champ de la TLV ont la possibilité d’appliquer la taxe d’habitation aux logements vacants depuis plus de deux ans.

Le rapport de la Cour des comptes souligne qu’entre 2014 et 2023, le nombre de logements vacants visés par ces taxes est passé de 387.000 à 810.000. Les recettes fiscales afférentes ont crû plus vite encore, de 116 M€ à 378 M€. Force est de contaster que cette politique du bâton, feignant d’ignorer les causes profondes de la vacance structurelle, n’a aucunement permis d’endiguer le phénomène. Mais qu’importe, à défaut de s’attaquer à la dépense publique, tout est bon pour gonfler les rentrées fiscales.

Une mobilisation très inégale des collectivités locales

En 2020, l’État lançait un Plan national de lutte contre les logements vacants dont l’ambition affichée était d’embarquer les acteurs locaux dans un travail de redynamisation des territoires les moins attractifs. Cinq ans plus tard, la Cour des comptes constate : « Ce plan n’a fait l’objet d’aucune formalisation des objectifs et moyens qui lui sont assignés ni des engagements des différents acteurs. Il n’a de surcroît été assorti d’aucun indicateur de mesure permettant d’en évaluer l’avancement et d’en apprécier les résultats. Aucun bilan n’a été établi à ce jour ».

Dans l’ensemble, la mobilisation des collectivés locales sur le sujet des logements vacants reste faible. Un appel à candidatures lancé par l’État en 2021, visant a aider les collectivités à lutter contre la vacance des logements, avec à la clé un accompagnement méthodologique, des outils numériques et des financements dédiés, n’a retenu que 30 dossiers sur 237 candidatures déposées, pour un soutien financier total inférieur à 1 M€.

Dans un autre registre, la Cour constate que l’outil numérique Zéro Logement Vacant (ZLV), qui facilite le repérage par les collectivités locales de logements pouvant être remis sur le marché, reste méconnu des acteurs locaux et entâché de problèmes de fiabilité des données. Idem de la plateforme « Rencontre des Territoires », mise en place par l’État pour favoriser l’échange de bonnes pratiques entre collectivités, qui n’est connue que de 14 % des collectivités interrogées.

La Cour regrette en outre la passivité des communes face à la forte augmentation des surfaces de bureaux vacantes, représentant une opportunité importante de transformation en logements, en particulier en Île de France. Seuls 6.500 logements issus de transformations de bureaux sont autorisés chaque année, un chiffre peu ou prou inchangé sur la dernière décennie.

Refus d’obstacle

Il apparaît au final que le sujet des logements vacants est, avant toute chose, un double paravent.

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