• MoneySmart
  • Posts
  • Le surendettement des particuliers en France

Le surendettement des particuliers en France

Triste instrumentalisation d'un sujet grave

La lutte contre le surendettement des ménages est régulièrement invoquée par le gouverneur de la Banque de France en justification de l’introduction en 2019 des normes du Haut Conseil de Stabilité Financière sur les crédits à l’habitat (à l’exclusion de toute autre forme de crédit), puis de leur renforcement en janvier 2022.

Nous dresserons ici un panorama du surendettement en France en nous appuyant sur les chiffres fournis annuellement par la Banque de France elle-même.

Bases juridiques

La protection des particuliers rencontrant des difficultés financières se fonde, pour l’essentiel, sur le code de la consommation. Celui-ci prévoit notamment l’obligation pour les banques d’avoir une offre de services adaptée à leurs clients surendettés et l’interdiction de clôturer leurs comptes.

En cas de difficultés durables, toute personne peut déposer un dossier devant une commission de surendettement. Si celui-ci est jugé recevable, la commission peut imposer, selon les circonstances et après tentative de conciliation si la personne est propriétaire d’un bien immobilier, des mesures de suspension et de rééchelonnement des dettes existantes, voire de réduction du taux d’intérêt, d’effacement partiel ou de rétablissement personnel (effacement total).

Evolution du surendettement

De 120.000 par an au début des années 2000, le nombre de dossiers de surendettement jugés recevables a régulièrement progressé jusqu’à atteindre un plateau d’environ 200.000 dossiers par an de 2011 à 2015. Depuis 2016, le nombre de dossiers déposés a fortement chuté pour s’établir en 2022 à 103.200.

Bien que corrélation ne soit pas causalité, on peut remarquer que cette dernière phase correspond à une période de baisse des taux de crédit et de recul du chômage.

Notons aussi que ces chiffres intègrent de nombreuses situations de rechute dans le surendettement. En 2022, 43 % des dossiers déposés l’étaient par des personnes ayant déjà fait appel à cette procédure par le passé.

Oct 22

Portrait-robot des ménages surendettés

Le premier point marquant qui ressort de l’enquête typologique de la Banque de France est la sur-représentation des personnes divorcées ou séparées, qui constituent 27 % des situations de surendettement contre un poids naturel dans la population française majeure inférieur à 7 %. On retrouve la trace de ce facteur séparation dans la sur-représentation des femmes seules avec enfants (19 % contre un poids naturel inférieur à 8 %) et des hommes seuls (28 % contre un poids naturel de 16 %), les situations d’hommes seuls avec enfants restant rares.

Les critères d’âge et de sexe méritent une lecture croisée :

  • Jusqu’à 25 ans, les deux sexes sont très largement sous-représentés dans le sur-endettement, et cela se comprend facilement (bien que, déjà, ces situations rares soient plus fréquentes pour les femmes).

  • De 25 à 35 ans, l’inégalité est la plus marquée. Les femmes de cette tranche d’âge représentent près de 11% des personnes surendettées contre un poids naturel d’à peine 7 % tandis que les hommes apparaissent à hauteur de leurs poids naturel.

  • De 35 à 55 ans, les deux sexes sont largement sur-représentés dans les situations de surendettement par rapport à leurs poids naturels mais l’asymétrie femme-homme s’estompe au fil des années.

  • De 55 à 65 ans, l’égalité est retrouvée vis à vis du poids naturel des deux sexes.

  • Enfin, après 65 ans, le risque de surendettement s’efface progressivement pour les deux sexes.

Tous âges confondus, les femmes sont légèrement sur-représentées dans le surendettement (54 % contre un poids naturel de 52 %). Au vu des chiffres détaillés par classes d’âge, il semble raisonnable de faire l’hypothèse que cette sur-représentation résulte pour partie des difficultés que certaines femmes peuvent rencontrer, après une séparation, à combiner leur rôle de cheffe de famille monoparentale avec un emploi pérenne.

Sans surprise, les personnes au chômage ou inactives hors retraités (sans profession, maladie longue durée, invalidité) forment la majorité des surendettés : 51 % contre un poids naturel de 18 %.

Toujours sans surprise, le surendettement intervient au croisement d’une absence de patrimoine (86 % des ménages touchés disposent de moins de 2.000 € de patrimoine immobilier et financier) et d’un faible niveau de revenus (66 % des ménages en surendettement figurent dans les deux premiers déciles de revenus et 61 % vivent sous le seuil de pauvreté de 1.128 € mensuels par personne défini par l’Insee).

Il existe aussi une géographie du surendettement. Les zones les plus affectées sont les anciens bassins industriels du Nord de la France parmi lesquels l’ensemble de la région Hauts de France, l’Est de la Normandie et une partie de la région Grand Est. On y trouve aussi des départements ruraux tels que l’Yonne, la Nièvre, l’Indre, la Creuse ou encore le Lot et Garonne. A l’inverse, les grandes métropoles sont moins touchées.

Les composantes du surendettement

Nous analysons ici la structure des dettes accumulées par les ménages en situation de surendettement en classant les différents types de dette par fréquence d’occurrence décroissante :

  • 72 % d’occurrence de crédits à la consommation (y compris crédits renouvelables et location avec option d’achat). Lorsqu’ils sont présents, ces crédits sont en moyenne au nombre de 4,1, pour un montant cumulé de 22.000 €. Aussi frappants que ces chiffres puissent paraître, le dernier rapport de la Banque de France met l’accent sur la baisse drastique, depuis 2011, des montants de crédits renouvelables apparaissant dans les dossiers de surendettement. Celle-ci semble imputable à la loi Lagarde qui, en 2010, a considérablement renforcé les obligations d’information et de protection liées à ces crédits. S’ils ont beaucoup baissé en montants, les crédits renouvelables restent néanmoins présents dans 46 % des dossiers de surendettement.

  • 49 % d’occurrence de dettes courantes liées au logement. Il s’agit principalement d’arriérés de loyers ou, pour les 9% de surendettés propriétaires, de charges de copropriété impayées. Lorsqu’elles existent, leur montant moyen est de 6.300 €.

  • 49 % d’occurrence de factures d’énergie et de communication impayées pour un montant moyen cumulé de 1.700 €.

  • 42 % d’occurrence de découverts bancaires pour un montant moyen de 1.650 €.

  • 30 % d’occurrence de dettes sociales (Pôle Emploi, Caisses d’Allocation Familiale, Sécurité Sociale, caisses de retraite) pour un montant moyen de 4.450 €. Le rapport de la Banque de France n’apporte pas plus de précisions mais, les dettes de nature professionnelles étant isolées, il paraît raisonnable de déduire que nous parlons ici du remboursement de prestations sociales indûment perçues.

  • 28 % d’occurrence de dettes “diverses” pour un montant cumulé moyen de 14.600 €. Selon la définition de la Banque de France, il peut s’agir en vrac de frais d'huissiers ou d’avocats, de dommages et intérêts, d’emprunts auprès de la famille ou de sommes dues au titre d’une caution.

  • 26 % d’occurrence d’impayés d’assurance ou de mutuelle pour un montant moyen de 950€.

  • 22 % d’occurrence de dettes fiscales pour un montant moyen de 8.100 €.

  • 22 % d’occurrence de frais médicaux, de garde d’enfants, de scolarité ou de cantine impayés pour un montant cumulé moyen de 1.200 €.

  • 18 % d’occurrence de dettes pénales, amendes et réparations pécuniaires pour un montant moyen de 4.800 €.

  • 11% d’occurrence de crédits immobiliers pour un montant moyen de 107.400 €. Bien que faible, le chiffre d’occurrence interpelle puisque le rapport de la Banque de France nous apprend par ailleurs que seuls 6,2 % des ménages surendettées sont accédants à la propriété. La différence pourrait provenir de ménages propriétaires ayant apporté leur logement en garantie dans le cadre d’opérations de regroupement de crédits (auquel cas le fait générateur serait l’existence préalable de crédits à la consommation non-soutenables). On note enfin que ces crédits immobiliers ne sont présents que dans 3 % des dossiers se soldant par une procédure de rétablissement personnel, les plus graves.

Hors crédits immobiliers, l’endettement moyen des ménages surendettés approche 30.000 €, un chiffre relativement stable depuis 2010.

Pour quelle issue ?

Les solutions apportées aux situations de surendettement ont considérablement évolué avec le temps.

Les plans conventionnels de redressement consentis de gré à gré dans le cadre d’une conciliation - qui jusqu’en 2012 constituaient la première issue au surendettement - ne représentent plus que 7 % des dossiers examinés par les commissions en 2022. Depuis 2018, cette procédure n’est proposée qu’aux propriétaires d’un bien immobilier (soit 9 % des dossiers).

43 % des dossiers ont donné lieu à des mesures imposées telles que des moratoires et rééchelonnements et incluant, dans un peu moins de la moitié des cas, un effacement partiel de dettes.

38 % des dossiers ont fait l’objet d’un effacement total des dettes éligibles dans le cadre d’une procédure de rétablissement personnel. Cette solution n’était retenue que dans moins de 20 % des cas jusqu’en 2010.

Au total, 57 % des dossiers étudiés en 2022 ont bénéficié d’un effacement partiel ou total de dettes. Pris dans sa globalité, l’effacement se monte à 1,3 milliards d’euros, son point le plus bas en 10 ans, pour un montant moyen de 20.200 € par dossier concerné.

Les effacements de crédits à la consommation représentent 46 % du total et l’effacement de crédits immobiliers 12 % (avec la même réserve que précédemment évoquée concernant les opérations de regroupement de crédits).

Les taux d’effacement diffèrent considérablement selon la nature des créanciers. Il est en moyenne de 10 % sur les crédits immobiliers, de 33 % sur les crédits à la consommation, de 34 % pour les créanciers privés non financiers et hors logement, de 41 % pour les créanciers publics, de 51 % pour les bailleurs particuliers et de 52 % pour les organismes de logement sociaux.

Enfin, il est à noter que les décisions d’irrecevabilité ou de déchéance de procédure ne concernent plus que 7 % des dossiers présentés, contre 15 % en 2011, les commissions « accordant plus largement le bénéfice de la bonne foi aux déposants ».

Assurance vie

Conclusion

Le schéma type du surendettement débute le plus souvent par un tableau général de fragilité financière (faiblesse des revenus et absence de patrimoine immobilier ou financier) sur lequel viennent s’ajouter un ou plusieurs accidents de la vie (séparation, licenciement, décès, maladie, accident). Lorsqu’elles se prolongent, ces situations finissent par causer une accumulation non-soutenable d’arriérés de dépenses courantes et de dettes financières.

Les cas causés par des comportements imprudents ou une surconsommation sont, selon la Banque de France, devenus très minoritaires.

Enfin, la part jouée par les crédits d’accession à la propriété est tout à fait anecdotique.

Pour participer à la discussion sur les réseaux sociaux, c’est ici :

Vous avez apprécié cet article ? Abonnez-vous à notre newsletter gratuite !

Sources et bibliographie

Vous appréciez nos publications ?

Soutenez notre travail et accédez à des contenus exclusifs en vous abonnant gratuitement à notre newsletter.

Already a subscriber?Sign In.Not now