La dépense publique hors de contrôle
Silencieuse catastrophe

Une spectaculaire perte de contrôle
C’est une catastrophe qui se joue sous nos yeux tel un film muet.
Une rapide recherche dans Google News sur les mots “dépense publique” ou encore “déficit public” ne fait ressortir aucun article récent de nos grands organes de presse.
Pourtant, il y a quelques jours, le ministère de l’Économie et des Finances nous livrait une Situation Mensuelle de l’État de 18 pages montrant, à mi-année, une totale perte de contrôle de la dépense publique.
Attachez vos ceintures !
A fin juin, le budget général de l’État - c’est à dire hors collectivités territoriales, sécurité sociale et retraites - fait ressortir une hausse de 17,1 milliards d’euros de nos dépenses publiques, soit 8,2%, par rapport au 1er semestre 2022.
Mais la situation est pire encore que ne le laisse transparaître ce chiffre. En effet, le budget général bénéficie cette année du démantèlement des mesures exceptionnelles mises en place dans le cadre de la crise sanitaire et du programme de relance. Ce sont 5,1 milliards d’euros qui sont ainsi “économisés” par rapport à la base de référence du premier semestre 2022.
Normalisé de cet effet de base - pour ne pas dire d’aubaine - l’augmentation de la dépense publique que nous cherchons à expliquer est donc de 22,2 milliards d’euros, soit 11% !
Tentons ici de pister ces 22 milliards d’euros de dépenses supplémentaires sur seulement 6 mois, dans la limite des détails fournis par la comptabilité nationale :
4 milliards d’euros supplémentaires sont partis en fumée en service de la dette et opérations financières. A mettre sur le compte des 10 années de politique monétaire européenne débridée ayant maintenu des taux d’emprunt artificiellement bas. Comme toutes les addictions, quand on arrête, le réveil est douloureux ! Et ce n’est qu’un début puisque l’essentiel de notre dette publique bénéficie encore des taux très bas - et parfois même négatifs - obtenus pendant ces années folles…
2,5 milliards d’euros supplémentaires sont allés aux dépenses de personnel, soit +3,7%. Rappelons que le point d’indice des fonctionnaires avait été revalorisé de 3,5% à l’été 2022. La déduction est donc élémentaire : il n’y a pas eu d’effort notable de réduction du nombre de postes.
1,1 milliards d’euros supplémentaires ont été affectés aux dépenses d’investissement. Dans le cadre de cet article, je ferai l’hypothèse qu’ils ont été effectivement déployés au bénéfice des générations futures qui hériteront de notre fardeau de dettes.
1 milliard d’euros supplémentaires ont servi aux dépenses d’intervention de l’État (traduire : transferts directs au bénéfice des ménages, des entreprises, des collectivités territoriales ou de l’Union Européenne). Mais attention, c’est ce même poste qui bénéficie de l’économie de 5,1 milliards d’euros due au démantèlement des mesures liées à la pandémie. Nous parlons donc, hors effet de base, d’une augmentation de 6,1 milliards d’euros, soit 5,9%. Pas exactement un régime au pain sec.
Et on me souffle dans l’oreillette que le compte n’y est pas. Il reste en effet à expliquer la bagatelle de 8,4 milliards d’euros de dépenses supplémentaires…
Une véritable explosion des dépenses de fonctionnement de l’État
Ce sont les dépenses de fonctionnement de l’appareil d’État - hors dépenses de personnel, déjà comptabilisées, et hors collectivités territoriales - qui ont absorbé nos 8,4 milliards d’euros manquants, s’octroyant une hausse de 27% par rapport au 1er semestre 2022 !
En 6 mois, l’État engloutit ainsi plus de 40 milliards d’euros dans son propre fonctionnement, hors personnel, pour déployer 76 milliards d’euros en dépenses d’intervention et 9 milliards d’euros en investissements. Un énergéticien ouvrant ce capot vous dirait que le rendement du moteur est assez catastrophique.
Malheureusement, la Situation Mensuelle de l’État ne donne pas les détails de ces dépenses de fonctionnement. Elle fournit bien un découpage analytique de la dépense par destination, mais sans qu’il soit possible d’y distinguer spécifiquement les dépenses de fonctionnement. On y a apprend que les principales hausses sont allées aux dépenses au titre de l’écologie et du développement durable (+3,3 milliards d’euros), de la défense (+2 milliards d’euros dont 1 milliard pour l’équipement des forces armées), de l’école et de l’enseignement supérieur (+1,7 milliards d’euros), du travail et de l’emploi (+1,6 milliards d’euros, soit une hausse de 26% alors que le chômage est à son plus faible niveau depuis 50 ans), de la cohésion des territoires, de la solidarité et de l’égalité des chances (+1,2 milliards d’euros) ou encore de la sécurité et de la justice (+1 milliard d’euros).
La dette publique en héritage
A mi-année, le déficit ainsi accumulé se monte à la somme à peine croyable de 116 milliards d’euros, à comparer à 77 milliards d’euros au même stade en 2022, soit une hausse de 51%. On retrouve des niveaux proches de ceux enregistrés au pire du “quoi qu’il en coûte” (respectivement 125 et 131 milliards d’euros aux 1ers semestres 2020 et 2021).
Au regard de ces chiffres désastreux, l’engagement de trouver 10 à 15 milliards d’économies à l’année, pris par Elisabeth Borne et Bruno Le Maire lors des Assises des finances publiques (https://www.moneysmart.fr/p/assises-des-finances-publiques) prêterait à sourire si le sujet n’était aussi grave.
Au rythme actuel, pour chaque Français, ce sont 300 € de déficit qui viennent chaque mois s’ajouter à une dette publique pesant déjà 46 000 €.
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