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L'épargne salariale : une aubaine française
Des mécanismes de partage de valeur plébiscités
En 2023, 8,9 millions de salariés ont bénéficié d’une prime de participation et/ou d’intéressement au titre des dispositifs de partage de valeur au sein de leur entreprise, pour des montants bruts distribués d’environ 22 Md€, soit une moyenne individuelle approchant 2.500 € bruts.
Pour les personnes concernées, ces primes sont en elles-même très appréciables, représentant 6 % de rémunération additionnelle à l’échelle d’une année. Elles sont en outre exonérées de cotisations sociales (tout en restant soumises à 9,7 % de CSG-CRDS).
Pourtant, en optant pour la perception immédiate de ces sommes plutôt que pour leur versement sur un Plan d’Épargne Entreprise (PEE) ou sur un Plan d’Épargne Retraite d’Entreprise Collectif (PERECO), un salarié sur trois se prive des avantages complémentaires considérables offerts par ces dispositifs.
Un peu d’Histoire…
L’épargne salariale, en France, remonte loin. De premières initiatives apparaissent dès le XIXème siècle, portées par des chefs d’entreprises proches de l’Église catholique.
Mais le tournant décisif pour l’essor de l’épargne salariale n’intervient qu’en 1967. Souhaitant dépasser le clivage travail vs capital, le général de Gaulle rend la participation obligatoire pour les entreprises de plus de 100 salariés réalisant des bénéfices et ouvre la possibilité de son versement sur un PEE.
Depuis le 1er janvier 2025, les entreprises de 11 salariés et plus réalisant des bénéfices ont obligation d’avoir a minima un dispositif parmi participation, intéressement, PEE et prime de partage de valeur. À partir de 50 salariés, la participation et le PEE deviennent obligatoires pour l’entreprise, les autres dispositifs demeurant facultatifs.
Épargne salariale : des avantages très puissants
En choisissant d’affecter ses primes de participation et/ou d’intéressement à l’un des dispositifs d’épargne salariale proposés par l’entreprise, le salarié accède en effet à un régime fiscal particulièrement favorable :
Une exonération pure et simple d’impôt sur le revenu sur ces primes.
Une fiscalité allégée sur les gains réalisés au sein du plan d’épargne : 17,2 % de prélèvements sociaux et exonération d’impôt sur le revenu. Il s’agit du régime fiscal le plus favorable pour les revenus de capitaux, aligné sur celui du Plan d’Épargne en Actions.
Ces avantages restent conditionnés au respect des durées de blocage prévues : 5 ans pour le PEE, âge de la retraite dans le cas du PERECO.
De surcroît, de nombreuses entreprises choisissent d’y ajouter un dispositif d’abondement par lequel elles majorent les versements sur le plan d’épargne selon des mécanismes prédéfinis. Selon les entreprises, cet abondement peut s’appliquer aux versements volontaires, s’étendre aux primes de participation et/ou d’intéressement, être plafonné ou soumis à des critères d’ancienneté. Les sommes abondées bénéficient du même régime fiscal avantageux décrit plus haut dans la limite de 3.768 € par an (portée à 6.782 € si les sommes sont investies dans les actions de l’entreprise). À l’échelle nationale, l’abondement des entreprises pèse 2,4 Md€, soit peu ou prou 10 % des contributions aux plans d’épargne salariale.
Le cadre de l’épargne salariale offre ainsi un havre d’efficacité financière qui tranche avec les niveaux de déperdition très élevés des rémunérations de droit commun. À titre d’illustration, le montant net après impôt touché par un salarié soumis à la tranche marginale d’impôt sur le revenu de 30 % sera plus que doublé pour une prime de participation versée sur un PEE ou un PERECO par rapport à une prime classique hors épargne salariale (voire plus encore selon les possibilités d’abondement proposées par son entreprise) avant même de prendre en compte la performance d’investissement.

Estimation MoneySmart
Il convient enfin de souligner que ce cadre fiscal avantageux est conservé quand le salarié est amené à quitter l’entreprise, quel qu’en soit le motif.
PEE ou PERECO : quelles différences et comment choisir ?
Le PEE et le PERECO se distinguent avant tout par leur différence d’horizon : les sommes investies sont bloquées 5 ans dans le cas du PEE (à l’image d’un Plan d’Épargne en Actions) alors qu’elles le sont jusqu’au départ en retraite dans le cas du PERECO (à l’image d’un Plan d’Épargne Retraite Individuel).
Il est à noter que dans les deux cas, la sortie anticipée reste possible en cas d’acquisition de la résidence principale ou d’accident de la vie (chômage, surendettement, invalidité, décès). Le PEE va plus loin en étendant cette faculté à d’autres situations : mariage/PACS, 3ème enfant, divorce/séparation, création/reprise d’entreprise, achat d’un véhicule « propre », rénovation énergétique du logement, situation de dépendance d’un proche.
Lequel choisir ? De notre point de vue, lorsqu’il s’agit d’affecter des primes de participation ou d’intéressement, à abondement équivalent, le PEE mérite d’être privilégié pour sa souplesse, sachant d’une part que rien n’empêche de le prolonger au-delà de 5 ans dans un objectif de préparation de la retraite et que, d’autre part, le PERECO n’apporte pas d’avantage fiscal supplémentaire.
À noter toutefois : de nombreuses entreprises proposent des formules d’abondement plus généreuses pour les versements sur PERECO que sur PEE. Il appartient alors à chacun de sous-peser, en fonction de sa situation personnelle, l’avantage que cela peut représenter par rapport à la plus grande flexibilité permise par le PEE.
Enfin, l’équation sera différente en cas de « versement volontaire » sur le plan d’épargne salariale (hors participation/intéressement). Le PERECO présente alors l’avantage de la déductibilité des sommes versées de l’impôt sur le revenu (dans la limite de 37.094 € et 10 % des revenus professionnels de l’année précédente). Attention néanmoins : la fiscalisation de ces sommes est en réalité reportée à la sortie du PERECO. Il s’agit là du même régime que celui des Plans d’Épargne Retraite Individuels. Nous le recommandons en seconde partie de carrière, lorsque la tranche marginale d’imposition atteinte est vraisemblablement supérieure à celle qui prévaudra lors du départ en retraite. Il convient alors d’arbitrer entre l’éventuel abondement offert par son entreprise sur le PERECO et la palette de supports plus large à laquelle un PER individuel peut donner accès.
Le Plan d’Épargne Inter-entreprises, kézaco ?
Le PEI est tout simplement un PEE dont le fonctionnement est mutualisé entre différentes entreprises ne disposant pas d’une taille leur permettant de négocier leur propre plan d’épargne salariale. Pour le salarié, un PEI reste strictement équivalent à un PEE, tant sur le plan des mécanismes financiers que du cadre fiscal.
C’est ici que, trop souvent, les choses se gâtent. La grande majorité des PEE se caractérisent par la pauvreté de leur gamme de supports d’investissement. Des fonds actions qui se comptent sur les doigts de la main, un fond obligataire, un fond diversifié, un fond monétaire, ajoutez peut-être un ou deux fonds estampillés “responsable” (ISR) et c’est généralement terminé. Les PERECO se contentent eux de quelques fonds diversifiés calés sur des plages d’horizon de retraite. Dans ce cadre étriqué, peu concurrentiel, les fonds proposés sont couramment trop chargés en frais de gestion et, partant, médiocrement performants. Malgré les avantages indéniables que présentent les ETF, les plans d’épargne salariales offrant accès à ces produits sont encore rares.
Ainsi, bien que l’horizon de 5 ans d’un PEE se prête naturellement à l’investissement en actions, un examen minutieux des supports proposés s’impose, quitte à rééquilibrer l’allocation générale du patrimoine hors épargne salariale (notamment via un PEA).
Certains PEE offrent en outre la possibilité d’investir dans des actions ou autres titres émis par l’entreprise à des conditions bonifiées. Selon les cas, de tels dispositifs peuvent offrir des opportunités d’investissement particulièrement attractives. Celles-ci doivent cependant être analysées froidement à l’aune de la situation économique de l’entreprise en question. En cas de fragilité de celle-ci, il est crucial pour le salarié de ne pas ajouter un risque patrimonial à celui de la perte d’emploi.
5 ans et ensuite ?
Que faire au 5ème anniversaire de son PEE, telle est la question. Comme pour un PEA, il est possible de proroger l’enveloppe fiscale au-delà de cette date tout en ayant la faculté de procéder à des retraits partiels en cas de besoin.
Pour l’investisseur individuel, l’équation à résoudre est alors celle de l’arbitrage entre la préservation de ce cadre fiscal préférentiel et la possibilité d’élargissement de l’univers d’investissement. La réponse dépend bien entendu de la gamme de supports offerte par le PEE mais aussi de la situation patrimoniale et, en particulier, de la saturation de l’enveloppe du PEA (pour mémoire, 150.000 € de versements, portés à 225.000 € avec un PEA-PME). Tant que cette enveloppe n’est pas saturée, il peut être intéressant de basculer les sommes issues du PEE, au 5ème anniversaire, vers le PEA afin d’accéder à des supports plus compétitifs.
Nos recommandations
En mode télégraphique :
Opter systématiquement - dans la mesure du possible - pour le versement des primes de participation et d’intéressement sur un plan d’épargne salariale.
Privilégier par défaut le PEE, sauf abondement accru de l’entreprise sur le PERECO.
Si l’entreprise propose un dispositif d’abondement, viser de le saturer chaque année, quitte à procéder à des versements volontaires.
À l’issue des 5 années de blocage du PEE, envisager de basculer les fonds vers un PEA/PEA-PME. Si les plafonds de versement de ces enveloppes sont atteints, proroger le PEE afin de continuer de bénéficier de son cadre fiscal avantageux.
Comment investir au sein d’un plan d’épargne salariale ?