- MoneySmart
- Posts
- Il était une fois dans l'Ouest
Il était une fois dans l'Ouest

Bonjour,
Vous me pardonnerez, je l’espère, l’interruption momentanée du son et de l’image. En voyage dans le grand Ouest américain, j’avais sur-estimé ma capacité à tenir le rythme de ces lettres dominicales.
Je commencerai donc en partageant ces quelques impressions, de retour des États-Unis :
Un tourisme en berne : aucune attente au contrôle des passeports de l’aéroport de Los Angeles, pourtant notoirement difficile en haute saison.
Las Vegas : débauche de mauvais goût ostentatoire, d’addiction et de blanchiment. À mes yeux, le pire de l’Amérique.
Partout, une boulimie de consommation d’énergie et de ressources naturelles. À l’image de ces motorhomes géants tractant des SUV - 10 à 15 tonnes au bas mot - dans les paysages idylliques des grands parcs. Burn like there is no tomorrow. Le contraste avec l’auto-flagellation écologique européenne est frappant. Le modèle français d’une production électrique à la fois décarbonnée et pilotable (socle nucléaire + hydro) permettait de trouver un équilibre acceptable entre objectifs environnementaux et économiques. Pourquoi nos gouvernants ont-ils renoncé à le défendre ?

Le serpent de mer de l’affaire Epstein forme désormais une fissure au sein de l’électorat républicain. Difficile pour Pam Bondi, procureur général de l’administration Trump, de justifier l’absence de poursuites après avoir affirmé que le département de la Justice détenait plus de 250 vidéos de violences sexuelles sur mineurs. En écartant même les élucubrations sur les liens Trump-Epstein, cette affaire illustre la façon dont, à l’heure des réseaux sociaux, les invectives de transparence formulées par les candidats à la gouvernance se fracassent contre la réalité judiciaire et/ou la raison d’État. À suivre…
Le vote du big beautiful bill promet d’accroître encore le déficit budgétaire (augmentation des budgets de la défense et du contrôle des frontières) et la dispersion des richesses (baisses d’impôts et réduction du programme Medicaid, équivalent de la Couverture Maladie Universelle en France).
Pourtant, après quelques semaines Outre-Atlantique, on ne peut que ressentir un élan vital en tous domaines qui contraste avec nos tristes passions françaises…
Que penser de l’accord commercial annoncé en grande pompe par Donald Trump et Ursula von der Leyen ? Les commentaires que j’ai pu lire sur le sujet sont pour la plupart mal informés, voire paresseux. Je tenterai de rétablir ici quelques vérités :
Bien sûr, la démarche engagée par Donald Trump est un coup de force, à mille lieux des principes qui prévalaient jusqu’alors en matière de commerce international. En celà, elle marque peut-être la fin de l’Organisation Mondiale du Commerce. Évacuons cependant ces considérations pour nous concentrer sur les retombées effectives, pour les économies européennes, du désordre qui se dessine.
Les droits de douane asymétriques de 15 % appliqués par les États-Unis aux importations en provenance de l’U.E. feront l’objet d’un certain nombre d’exceptions : 1/ absence de droits de douane sur l’aéronautique, l’énergie et certains produits chimiques et agricoles (hors vins et spiritueux), 2/ plafonnement à 15 % des droits de douane qui seront imposés prochainement par les États-Unis à l’échelle mondiale sur les importations de produits pharmaceutiques, de semi-conducteurs, de bois et de cuivre 3/ maintien à 50 % des droits de douane sur l’acier et l’aluminium, 4/ poursuite des discussions quant à un possible régime dérogatoire pour les vins et spiritueux.
Aussi inique soit-il, cet accord permet à l’Union Européenne d’accéder aux termes les moins défavorables obtenus par les partenaires commerciaux américains depuis Liberation Day, à parité avec le Royaume-Uni (pour qui les 10 % de droits de douane s’ajoutent à ceux existants, d’en moyenne 4,8 %, alors que les 15 % obtenus par l’U.E. les incluent). Les conséquences économiques seront complexes. S’il est attendu que la hausse des droits de douane ralentisse les importations américaines de façon générale, elle peut aussi contribuer à rehausser la compétitivité des productions de l’U.E. relativement à celles de pays plus dûrement touchés (Chine, Inde, Brésil, Suisse, Canada…).
L’annonce de 600 Md$ d’investissements européens aux États-Unis d’ici 2028 ne doit tromper personne : la Présidente de la Commission Européenne ne peut en aucun cas s’engager sur des investissements qui relèvent d’entreprises privées. Idem des 750 Md$ d’approvisionnement en énergie américaine. Ces chiffres ne sont qu’une prévision sans engagement de la part de la Commission Européenne, offrant un gimmick de communication à Donald Trump.
Cet accord fait l’objet de vives critiques tant à Berlin qu’à Paris, où, face caméra, l’on déplore l’absence de régime dérogatoire respectivement pour l’automobile, et pour les vins et spiritueux. Il reste pourtant soumis à la ratification du Conseil européen, composé des chefs d’États des pays de l’Union, à la majorité qualifiée (soit a minima 15 États sur 27, représentant 65 % de la population de l’U.E).
En parvenant à imposer une augmentation asymétrique de droits de douane à ses principaux partenaires commerciaux, Donald Trump empoche assurément une victoire tactique. Pour autant, l’objectif stratégique d’une réindustrialisation américaine est encore loin. Il se heurtera notamment à la difficulté de reconstituer des filières entières dont les briques essentielles n’existent plus (compétence, logistique, etc). En outre, cette surcharge de droits de douane sera principalement payée par les consommateurs américains, entraînant un risque inflationniste qui justifie la décision de la Federal Reserve de maintenir des taux directeurs élevés, pénalisant ainsi le potentiel de croissance de l’ensemble de l’économie américaine.
« Entre les efforts qu’on choisit et les sacrifices qu’on subit, c’est là qu’est aujourd’hui la question qui va se poser à chacun des Français ». C’est en ces termes que François Bayrou choisit d’ouvrir le débat budgétaire 2026 alors que les Français en question sont pour la plupart à la plage…
Si l’objectif de réduction du déficit est louable, la recette proposée est éminemment criticable :
Les chiffres présentés sont marqués du sceau de l’insincérité. On cherche à maximiser l’apparence de l’effort réalisé (les 43,8 Md€ d’économies annoncées sont défalqués de la croissance projetée du PIB) tout en s’engageant sur l’absence de hausses d’impôts (qui, elle, devrait s’interpréter sans ajustement lié à l’inflation).
Les 15 Md€ d’économies de fonctionnement affichés (État, opérateurs, collectivités) correspondent en réalité à un gel budgétaire sous hypothèse de croissance du PIB. Ce chiffre ne s’accompagne d’aucun travail sérieux sur l’optimisation des moyens de l’État ou la redéfinition de son périmètre d’intervention.
Une fois encore, le tour de vis fiscal, maquillé sous différentes appellations (année blanche, équité fiscale et suppression de “niches”) constituerait le premier poste de redressement budgétaire.
Les 4,2 Md€ de recettes supplémentaires attendus de la suppression de deux jours fériés sont absolument fantaisistes.
Nous suivrons bien sûr l’avancée du débat budgétaire dans les semaines qui viennent.
Vendredi soir, le Conseil constitutionnel a partiellement censuré la loi dite « Duplomb », en invalidant les dispositions autorisant la réintroduction de l'insecticide acétamipride, se fondant sur un principe de précaution environnementale intégré dans la constitution en 2004.
Je ne suis aucunement qualifié pour émettre un jugement quant à la dangerosité de cet insecticide pour nos populations d’abeilles. Mais l’économiste en moi réagit : toute mesure sanitaire imposée à notre agriculture qui ne s’applique pas également aux produits importés, quelle que soit leur provenance, constitue un suicide économique. Si nous ne sommes pas en capacité d’imposer une telle norme à l’échelle européenne, nous devons pragmatiquement y renoncer. Notre agriculture ne doit pas être sacrifiée sur l’autel de la vertu.
En vous souhaitant un bon dimanche.