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Droits de douane américains : le choc protectionniste
Les mesures annoncées
Ce mercredi 2 avril, Donald Trump a dévoilé un dispositif de droits de douane qui met brutalement fin à 80 années de politique de libre échange.
Le Président américain n’a pas donné dans la dentelle. Considèrant que tout déséquilibre commercial avec un pays tiers était la résultante de barrières commerciales ou de manipulation des devises, il met en place, en sus des taxes déjà existantes, des droits de douane « réciproques » équivalant à la moitié du déficit à couvrir pour chaque pays, assortis d’un minimum de 10 % (colonne de droite dans le tableau ci-dessous). Cette surtaxe sera de 34 % pour les produits en provenance de Chine et de 20 % pour ceux de l’Union Européenne.

Ces mesures sont d’application quasi immédiate : 5 avril pour le minimum de 10 %, 9 avril pour les taux individualisés.
Néanmoins, de nombreux produits y échapperont : énergie, produits pharmaceutiques, semi-conducteurs, minéraux rares, or, cuivre, bois. Ayant déjà subi un relèvement de droits de douane le mois dernier, l’acier et l’aluminium sont également exclus.
Soulignons enfin que la constitutionnalité de ces mesures est d’ores et déjà contestée, les questions fiscales nécessitant un vote du Congrès sauf situation d’urgence.
Quels objectifs ?
En tentant de rééquilibrer une balance commerciale qui se dégrade régulièrement depuis 50 ans (dernier excédent enregistré en 1975), le Président américain se donne comme objectif de réindustrialiser son pays.
La fin justifiant les moyens, il procède par inversion accusatoire. Le déficit commercial américain ne résulte pas tant des pratiques déloyales du reste du monde que de la surévaluation structurelle du dollar causée par son statut de monnaie de réserve, ainsi que de l’addiction au déficit public que ce statut a rendue possible. Notons que, bien que notre déficit public soit très différent du déficit américain dans sa composition, ce même cocktail toxique a causé la désindustrialisation accélérée de la France après son intégration dans la zone Euro.
Rappelons ici l’équation de comptabilité nationale incontournable :
(S - I) + (T - G) = (X - M)
Ou :
(épargne - investissement du secteur privé) + (taxes - dépense publique) = (exportations - importations).
Ainsi, dans un environnement où le solde du secteur privé est stable (S-I), le lien entre déficit public (T-G) et déficit commercial (X-M) est direct. Ce phénomène des « déficits jumeaux » est notamment mis en lumière par les travaux d’Olivier Blanchard (Debt, deficit and finite horizons, 1985).
On peut néanmoins douter que les droits de douane soient la clé de la réindustrialisation. Une entreprise américaine qui ferait le choix de relocaliser ses outils de production aux États-Unis aurait tout d’abord à subir elle-même ces droits de douane sur tous ses approvisionnements importés. Il ne suffit donc pas de réouvrir des usines : ce sont des filières complètes de production et de logistique qui devraient être reconstruites, qui plus est dans des domaines où le savoir-faire local a disparu depuis longtemps.
De telles capacités de production, si elles étaient réactivées, devraient vraisemblablement être dédiées à la seule demande américaine, faute d’être compétitives à l’international. Compte tenu de la longueur des cycles d’investissement et des incertitudes qui pèsent sur la durabilité de cette politique protectionniste, il est permis de penser que Donald Trump surjoue sa main.
À moins que ces annonces chocs aient pour réel objectif de mettre sous tensions les partenaires commerciaux pour obtenir de chacun des concessions ciblées : une réévaluation du yuan de la part de la Chine, un relâchement des normes sanitaires et environnementales de la part l’Union Européenne, un renoncement aux pratiques d’optimisation fiscale de la part des multinationales ?
Quelles conséquences pour l’économie mondiale ?
Bien que Donald Trump présente ces mesures comme une punition infligée au reste du monde, c’est toujours l’importateur qui s’acquitte des droits de douane. Nous parlons donc ici d’une taxe appliquée aux distributeurs, qui ne manquera pas d’être répercutée pour tout ou partie aux consommateurs américains. La première conséquence en sera donc une perte de pouvoir d’achat significative des ménages américains et un ajustement à la baisse de leur consommation.
48 heures à peine après l’annonce de la Maison Blanche, la Chine relevait à son tour les droits de douane sur les produits américains. L’escalade de rétorsions qui s’enclenche peut causer un véritable effondrement des échanges commerciaux et plonger l’économie mondiale dans une longue récession. Rappelons que la surenchère protectionniste avait été l’une des causes principales de la dépression économique des années 1930.
Protéger son patrimoine
Sans surprise, les bourses mondiales ont très mal réagi. Les indices MSCI World et S&P 500 ont perdu plus de 8 % en deux séances.
Bien qu’ayant préconisé des mesures conservatoires dès le 6 mars, notre portefeuille de capitalisation est maintenant en territoire légèrement négatif (-2,8 % depuis le 20 décembre 2024).
Face à la menace que présente la politique protectionniste américaine pour l’économie mondiale, nous prenons les dispositions suivantes :

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