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Différences salariales entre femmes et hommes

Lecture commentée du rapport de l'Insee

C’est un rapport passionnant que l’Insee vient de publier sur la question des différences salariales entre les sexes. Nous en ferons ici un commentaire synthétique accompagné de quelques réflexions.

Un revenu moyen des femmes inférieur de 23,5 % à celui des hommes

Le chiffre ne peut que choquer : les revenus salariaux nets moyens des femmes du secteur privé français demeurent inférieurs de 23,5 % à ceux des hommes (soit 19.980 € par an contre 26.110 €).

Cet écart, néanmoins, est en voie de réduction. Il était de 30 % il y a 10 ans et de 34 % il y a 20 ans. Et la rapidité du comblement de cet écart ne doit pas être sous-estimée : sur les 10 dernières années, le salaire moyen féminin a progressé 7 fois plus vite que celui des hommes (+10,4 % contre +1,5 %, en euros constants).

La différence de temps de travail est la première source d’écart

Lorsqu’on se plonge dans les chiffres pour chercher à comprendre un tel phénomène, on s’aperçoit rapidement que la différence de temps de travail annuel joue un rôle central. Le volume de travail annuel moyen d’une femme est inférieur de 10,1 % à celui d’un homme, reflétant une proportion d’emplois à temps partiel plus importante chez les femmes.

Sans surprise, la présence d’enfants accentue le déficit de volume de travail salarié en défaveur des femmes, en particulier à partir de 3 enfants (18,9 %) ou lorsque l’un des enfants est âgé de moins de 3 ans (22,7 %). Pour beaucoup de couples, le temps partiel procède d’un calcul économique rationnel face au coût de la garde d’enfants. Et c’est inévitablement le plus faible des deux salaires qui se retrouve alors partiellement sacrifié, donc le plus souvent celui de la femme. Le phénomène est ainsi récursif : l’écart initial de salaire à temps plein entraîne une baisse du volume de travail des femmes qui, à son tour, creuse l’écart de rémunération.

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Néanmoins, l’écart de volume de travail est observable en l’absence même d’enfants (9,4 %). Les circonstances menant à prendre un emploi à temps partiel peuvent être nombreuses et le rapport de l’Insee n’offre malheureusement pas d’éclairage permettant de mieux comprendre la différenciation des sexes sur ce point.

Toujours est-il qu’une fois corrigé de cette différence de temps de travail (donc exprimé en équivalent temps plein), l’écart salarial en défaveur des femmes se réduit à 14,9 %, un chiffre encore élevé mais dont on doit souligner qu’il s’est contracté d’un quart en 10 ans.

Des écarts de rémunération qui se creusent avec l’âge

Une autre caractéristique évidente ressortant des chiffres de l’Insee est l’accentuation des écarts salariaux avec l’âge.

Tranche d’âge

Écart F/H

< 25 ans

4,7 %

25-39 ans

8,0 %

40-49 ans

14,1 %

50-59 ans

19,9 %

> 60 ans

26,1 %

Il y a plusieurs explications possibles à un tel phénomène. N’étant pas mutuellement exclusives, elles se complètent sans doute sans qu’il soit possible de mesurer leurs parts respectives dans la formation des écarts observés.

La première est celle d’une discrimination qui se joue moins à l’embauche que dans les opportunités de progression une fois en poste. La maternité, en particulier, est souvent citée comme un moment de cristallisation des inégalités de carrière. De telles situations existent à l’évidence mais elles ne permettent pas, seules, d’expliquer pourquoi les écarts de rémunération continuent de se creuser après 40 ans et jusqu’à la fin de la carrière.

Une autre explication possible est d’ordre générationnel. Les femmes qui ont aujourd’hui plus de cinquante ans et concentrent les plus forts déficits salariaux vis-à-vis de leurs collègues masculins ont évolué, pour la première partie de leur carrière, dans des environnements qui étaient alors moins égalitaires qu’ils ne le sont maintenant. On peut ainsi espérer que les écarts de revenus constatés sur ces tranches d’âge soient pour partie une rémanence du passé et que les nouvelles générations n’auront pas à en souffrir à un tel degré.

Enfin, une troisième explication est qu’indépendamment de toute discrimination, les femmes s’orientent dans des proportions plus importantes que les hommes vers des professions présentant un moindre potentiel d’évolution de carrière et de progression salariale sur le long terme.

Des différences d’orientation frappantes

Dans son rapport, l’Insee liste les 20 professions statistiquement les plus courantes pour chacun des deux sexes. On mesure en les parcourant le caractère fortement “genré” des choix d’orientation professionnelle :

  • 13 des 20 métiers les plus courants pour les femmes emploient moins de 30 % d’hommes (et symétriquement, 14 des 20 métiers les plus courants pour les hommes emploient moins de 30 % de femmes).

  • Seules 4 professions sont communes aux deux listes : femmes et hommes vivent dans des mondes professionnels assez largement disjoints.

  • Parmi les métiers occupés par les femmes, nombreux sont ceux faisant appel à des compétences de contact humain (secrétariat, aide à domicile, soins, vente) et d’organisation (postes administratifs, comptabilité). Les 20 premiers métiers occupés par les hommes sont, eux, principalement centrés sur des compétences physiques et/ou techniques (conduite, informatique, manutention, sécurité et surveillance, travaux, etc.).

  • Seuls 2 métiers parmi les 20 premiers occupés par les femmes bénéficient d’une rémunération moyenne supérieure à 3.000 € nets par mois (mesurée en équivalent temps plein, tous sexes confondus). Ils n’apparaissent qu’en 14ème et 17ème position et ne pèsent que 2,5 % de l’emploi des femmes. Les deux métiers en question font partie des professions communes aux deux listes plutôt que des métiers “genrés”.

  • Par comparaison, les métiers offrant une rémunération moyenne supérieure à 3.000 € nets par mois apparaissent dès la deuxième place dans la liste masculine et pèsent 5,3 % de l’emploi.

  • Au final, la rémunération moyenne des 20 premiers métiers (pondérée par les poids relatifs dans l’emploi) occupés par les hommes est de 9,5 % supérieure à celle des métiers occupés par les femmes, et ce avant tout prise en compte des écarts femmes-hommes au sein de chaque profession.

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On devine ainsi que les choix d’orientation professionnelle - qui se jouent dès l’adolescence au travers du système éducatif - ont un pouvoir explicatif important sur les différences de rémunération qui seront observées 10, 20 ou 30 ans plus tard.

On peut bien sûr regretter que notre société ne valorise pas mieux certains des métiers cités plus haut. Pour autant, le terme de “ségrégation professionnelle” utilisé par l’Insee pour décrire ces différences d’orientation nous semble inutilement connoter d’injustice des choix qui relèvent avant tout du libre arbitre individuel et dont il paraît difficile de soutenir qu’ils résultent, dans la France de 2024, d’un déterminisme patriarcal.

La question qui devrait mobiliser nos énergies est celle des écarts de rémunération femmes-hommes à poste comparable (même métier, même niveau de formation et même niveau d’expérience). Quand elles existent, c’est là que se cachent les vraies injustices.

4 % d’écart de rémunération à temps de travail et poste comparable

Les travaux de l’Insee montrent que l’écart de revenus femmes-hommes au sein d’une même profession, à temps de travail, niveau de formation et expérience équivalente, est de 4 %. Ce chiffre n’étant qu’une moyenne, il masque nécessairement des injustices qui, à l’échelon individuel, peuvent être beaucoup plus marquées. Il ne fait aucun doute que ce sujet doit rester une priorité pour notre société et nos entreprises jusqu’à ce que de telles inégalités soient totalement éradiquées.

Pour autant, la publication d’un tel rapport devrait aussi être l’occasion de souligner les immenses progrès accomplis sur cette question depuis 30 ans.

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Sources et bibliographie