- MoneySmart
- Posts
- Cartographie du vote du 9 juin
Cartographie du vote du 9 juin
Un scrutin riche d'enseignements
Les résultats du scrutin européen, outre le score historiquement élevé du Rassemblement National, ont été largement occultés par l’annonce d’une dissolution que personne n’attendait avant l’automne.
Nous tentons ici de dresser une cartographie sociologique et spatiale du vote sur la base des résultats détaillés publiés par le ministère de l’Intérieur ainsi que des enquêtes réalisées par Ipsos.
L’âge, facteur prépondérant
Parmi les nombreux facteurs sociologiques à l’œuvre, l’âge semble être celui qui a eu l’influence la plus directe sur le vote.
L’électorat LFI est très fortement concentré sur les électeurs de moins de 35 ans. Avec 33 % des voix, LFI arrive même en tête parmi les électeurs de moins de 25 ans. Le même phénomène s’observe de façon un peu moins marquée chez EELV.
A l’opposé, Renaissance, LR, et dans une moindre mesure le PS et Reconquête, sont sur-représentés parmi les électeurs de 60 ans et plus.
Le RN est en tête sur toutes les catégories d’âge à partir de 25 ans et obtient ses meilleurs scores sur les tranches intermédiaires de 35 à 69 ans.
L’âge est également un facteur lourdement différenciant en matière d’abstention : le taux de participation des plus de 70 ans est le double de celui des 25-34 ans (71 % vs. 35 %). Le surcroit de mobilisation a joué en faveur des partis modérés lors de ces élections européennes mais pourrait s’estomper avec une participation attendue en forte hausse pour les législatives.
Le puzzle des catégories professionnelles et du niveau de formation
Ce scrutin européen traduit une recomposition des lignes de force des différents partis selon les catégories professionnelles.
On note tout d’abord que le RN est désormais en situation hégémonique sur l’électorat ouvrier, et très dominant sur la population des employés, des chômeurs, des professions intermédiaires et des retraités les moins aisés. Il n’est vraiment mis en concurrence que parmi les cadres (où il fait jeu égal pour la 1ère place avec le PS) et les retraités les plus aisés (où il reste derrière Renaissance). Ce tableau d’ensemble marque le succès de la stratégie de normalisation du RN.
De l’autre côté de l’échiquier, LFI et le PS (dans lequel nous incluons Place Publique) se répartissent l’électorat de gauche selon des lignes assez claires : LFI fait ses meilleurs scores auprès des chômeurs et des employés et le PS auprès des professions intermédiaires, des cadres et des retraités les plus aisés.
Renaissance est en fort recul au sein de la population active, où il n’arrive globalement qu’en 4ème position avec seulement 10% des voix. Même parmi les cadres, il est largement devancé par le RN et le PS. Sa planche de salut est sa sur-représentation auprès des retraités, dont le taux de participation est très élevé.
Le profil socio-professionnel de l’électorat LR est très proche de celui de Renaissance, traduisant le fait que la radicalisation progressive de l’électorat a réduit les terrains de chasse de ces deux partis au point qu’ils se chevauchent dangereusement.
L’analyse des niveaux de formation permet d’enrichir encore la lecture :
On voit distinctement se dégager trois blocs :
Un bloc de gauche très dominant sur les niveaux de formation les plus élevés (2ème et 3ème cycles universitaires).
Un bloc de centre-droite (Renaissance + LR) peu sensible au niveau de formation.
Le RN hégémonique sur l’électorat n’ayant pas poursuivi ses études au-delà du bac.
La forte corrélation des scores de LFI avec le niveau de formation peut, au premier abord, sembler contredire son poids auprès des chômeurs et des employés. C’est le jeune âge de l’électorat LFI qui permet de résoudre ce paradoxe. Le vote LFI est pour partie celui d’une jeunesse qui a poursuivi sa formation jusqu’au niveau universitaire mais tarde à tirer les fruits économiques de cet investissement.
On note enfin qu’à l’opposé du spectre, Reconquête fait exception à la règle avec un profil de formation de ses électeurs qui le rapproche du bloc de centre-droite.
Un vote moins “genré” qu’il ne le fût
Le critère du genre n’a pas véritablement pesé dans ces élections. Seul les électorats EELV et Reconquête sont sensiblement genrés (sur-représentation des femmes pour le premier et des hommes pour le second).
Autre marque du succès de la stratégie de normalisation du RN, celui-ci parvient à rééquilibrer son électorat, traditionnellement très masculin. Sa poussée auprès des femmes explique même 80 % de sa progression depuis le scrutin européen de 2019.
Deux thèmes prééminents : pouvoir d’achat et immigration
Parmi les sujets sur lesquels les électeurs disent se déterminer, le pouvoir d’achat et l’immigration (cités respectivement par 45 % et 43 % des votants) arrivent loin devant la protection de l’environnement (en net recul à 27 %).
Lorsqu’elle est citée, la question du pouvoir d’achat semble orienter d’abord vers le RN, puis vers le PC et LFI.
Celle de l’immigration obéit à une répartition gauche-droite classique. On note que la différence de sensibilité au sujet de l’immigration est la ligne de fracture principale entre des électorats Renaissance et LR sociologiquement très proches.
Sans surprise, le thème de la protection de l’environnement domine chez les électeurs EELV, tout en débordant assez largement sur ceux du PS et LFI.
Enfin, on note que les électeurs Renaissance se démarquent très nettement du reste du corps électoral en plaçant la question de la place de la France en Europe et la guerre en Ukraine au sommet de leurs préoccupations.
La carte et les territoires
À partir des résultats par commune publiés par le ministère de l’Intérieur, nous appliquons une classification géographique et économique des territoires développée par Olivier Vassal (La France au défi de ses territoires).

@Anthéor
Cette analyse permet d’identifier différents phénomènes :
La position de force de LFI dans les grandes métropoles et leurs banlieues défavorisées.
La résurrection du PS (avec l’aide de Place Publique) qui subtilise la 1ère place à Renaissance à Paris et dans les grands pôles d’emploi. On note par ailleurs que la géographie du vote EELV est très proche de celle du PS. Ceux qui choisissent de vivre loin de toute nature sont aussi les plus préoccupés de sa préservation.
Renaissance ne conserve son leadership que dans les banlieues les plus riches et reste en situation de challenger à Paris et sur les pôles tertiaires.
LR est à Renaissance ce qu’EELV est au PS : des partis qui chassent sur un même terrain sociologique et géographique en travaillant des thèmes différents.
Cette cartographie permet aussi de visualiser que Reconquête est une excroissance de LR beaucoup plus que du RN.
Enfin, le RN est en situation dominante dans les territoires d’industrie, d’agriculture et de tourisme, dans la France dévitaliséé mais aussi dans les banlieues de classe moyenne. Ils sortent également en tête, bien qu’avec une avance plus modeste, dans les grands centres urbains et les banlieues aisées.
L’insupportable légereté de l’être
Bien entendu, aucun électeur n’est jamais définitivement acquis à un parti politique. L’enquête Ipsos permet de suivre leurs pérégrinations au fil des élections. Nous prenons comme point de référence les élections européennes de 2019 qui offrent à la fois une équivalence de mode de scrutin, d’enjeux et de taux de participation.
Les matrices de passage qui en découlent permettent de mieux comprendre la déformation des votes de 2019 à 2024 :
Ce contenu est réservé aux abonnés MoneySmart Prime
30 jours d'essai sans engagement
Déjà un(e) abonné(e) payant(e) ? Se connecter.
Les avantages MoneySmart Prime :
- • Accès à l'intégralité de nos contenus
- • Suivi de performance des portefeuilles d'investissement MoneySmart
- • Alertes en temps réel sur les évolutions d'allocation des portefeuilles modèles
- • Zéro pub