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Accession progressive et leasing immobilier
L'innovation financière, réponse à la crise de l'accession à la propriété ?
Un resserrement sans précédent des conditions de crédit
Depuis début 2022, la hausse de plus de 3 points des taux de crédit à l’habitat, combinée au durcissement à contre-temps des critères d’octroi de crédit imposés par le Haut Conseil de Stabilité Financière, a causé un effondrement de plus de 50% de la production mensuelle de nouveaux crédits.
Les candidats à la primo-accession sont les premiers touchés. En l’absence d’un recul des prix suffisant pour compenser la baisse de leur capacité d’emprunt, l’apport personnel devient la variable d’ajustement. Selon le courtier CAFPI, sur l’année en cours, celui-ci se monte en moyenne à 64.500 € au niveau national et dépasse 87.000 € en Île de France. Dans un tel contexte, ceux qui parviennent à faire aboutir leur projet bénéficient souvent d’un coup de pouce de leurs parents sous forme de donation permettant de boucler le plan de financement.
Mais tous les jeunes actifs n’ont pas des parents en capacité de signer un chèque de 20.000, 40.000 ou 60.000 €. Dans cet article, nous tenterons de cartographier les formules innovantes apparues ces dernières années pouvant apporter des réponses à de telles situations.
Virgil : acheter sans concessions
Virgil est une société de proptech née en 2018 de l’association de Saskia Fiszel et Keyvan Nilforoushan. Anciens dirigeants de Onefinestay, plateforme d’hospitalité haut de gamme cédée à Accorhotels, ils décident de s’attaquer aux problèmes d’accession au logement des jeunes actifs. Plusieurs fonds de capital risque sont depuis entrés au capital, dont Alven, l’un des plus réputés en France.
Comment ça marche ?
La solution développée par Virgil s’adresse à tous ceux pour qui le gap entre capacité d’emprunt et coût total du projet semble infranchissable faute d’apport personnel suffisant. Plutôt que de différer leur projet ou de revoir leurs ambitions à la baisse, Virgil leur propose de combler le déficit du plan de financement en co-investissant à leur côté à hauteur maximale de 100.000€ ou 20% du prix du bien. Le co-investissement Virgil est considéré par les banques comme de l’apport personnel et vient donc en complément d’un crédit bancaire.
Virgil est copropriétaire dormant aux côtés de l’acquéreur. Celui-ci reste libre de revendre quand il le souhaite. Si le bien n’a pas été revendu après 10 ans, il devra alors racheter la quote-part de Virgil au prix du marché.
Combien ça coûte ?
Un coefficient de 1,5x est appliqué à la part du projet financée par Virgil. Ainsi, s’ils contribuent 10% du prix, ils détiendront 15% du bien. La plus-value (ou moins value) réalisée à la revente est ainsi partagée avec Virgil à concurrence de cette quote-part.
En outre, Virgil facture 3.000 € de frais d’accompagnement au moment de l’achat.
Où et pour qui ?
Virgil accompagne les candidats à l’accession en région parisienne (Paris et 1ère couronne) ainsi qu’à Lyon, Marseille, Lille et Bordeaux.
La solution s’adresse à des jeunes actifs dont l’emploi et les revenus les rendent éligibles au crédit mais qui ne disposent pas d’un apport personnel suffisant au regard du coût du projet envisagé. Grâce au co-investissement de Virgil, ils s’évitent d’avoir à rester locataires le temps nécessaire à constituer ce complément d’apport personnel. Le pouvoir d’achat supplémentaire apporté par Virgil peut également permettre de se projeter sur une plus longue durée, évitant d’avoir à revendre un bien trop petit après seulement quelques années et économisant ainsi des coûts de transaction significatifs.
Acqer : l’accession progressive
Acqer est le projet lancé en 2019 par Cyril Aulagnon et le groupe Stonup, cabinet de conseil spécialisé dans l’innovation immobilière. La société a bénéficié des programmes d’incubation de Station F (Founders Program) et du groupe Crédit Agricole (Le Village by CA).
Comment ça marche ?
Acqer propose un modèle d’accession progressive à la propriété pour des personnes n’ayant pas accès au crédit.
Avec l’épargne dont il dispose, l’accédant achète dans un premier temps entre 4% et 30% des parts de son futur logement, le solde étant intégralement pris en charge par Acqer, sans recours au crédit. Il peut ensuite racheter progressivement les parts détenues par Acqer en fonction de ses capacités financières.
L’accédant reste libre de revendre quand il le souhaite. Cependant, au terme de 15 années, il devra avoir racheté l’intégralité des parts détenues par Acqer ou accepter de céder les siennes.
Combien ça coûte ?
Contrairement à Virgil, Acqer n’applique pas de coefficient multiplicateur à la part de co-investissement. En revanche, l’accédant doit s’acquitter d’une mensualité d’occupation au pro-rata des parts qu’il ne détient pas. Celle-ci est calculée sur la base des loyers de marché pour un bien équivalent.
En cas de revente ou de rachat des parts détenues par Acqer avant le 5ème anniversaire, une pénalité de 1,2% par année d’anticipation est appliquée.
Enfin, des frais de 3.000 € liés au service Acqer sont prélevés à la signature.
Où et pour qui ?
Acqer est en mesure d’accompagner les candidats à l’accession en région parisienne.
La solution s’adresse prioritairement à des personnes qui sont temporairement exclues de l’accès au crédit (CDD, intérim, périodes d’essai, professionnels établis depuis moins de 3 ans…). Par sa flexibilité, elle leur permet de mettre un pied sur l’échelle de la propriété sans attendre puis, en fonction de leur capacité d’épargne et/ou une fois l’accès au crédit rétabli, de racheter le reste des parts afin de devenir pleinement propriétaire.
Le leasing immobilier façon Sezame
Sezame est une jeune pousse ayant vu le jour en 2022, à l’initiative de Charles Ruelle et Clara Tairraz, avec le soutien d’un fonds de capital risque, de business angels de la proptech et du programme d’incubation de La Banque Postale (Platform 58).
Comment ça marche ?
La solution proposée par Sezame s’apparente aux formules de location avec option d’achat existant dans l’automobile. Le candidat à l’accession commence par être locataire du bien visé tout en bénéficiant pendant 3 ans d’une option lui permettant d’en faire l’acquisition définitive ainsi que d’un accompagnement dans la recherche du financement requis.
Combien ça coûte ?
Une redevance mensuelle est due pendant la période de location. Elle se compose d’un loyer calculé sur la base des loyers de marché de biens équivalents complété par un effort d’épargne visant à progressivement constituer l’apport personnel qui permettra à terme d’obtenir un crédit. Cet élément d’épargne est restituable si l’acquisition n’est finalement pas réalisée.
Le prix d’exercice de l’option d’achat est convenu au départ et reste fixe pendant les 3 années.
Des frais de dossier de 1% du prix d’achat futur sont dus à signature du dossier. Dans le cas où l’option d’achat n’est pas exercée au terme des 3 années, des frais de remise en vente de 3% sont également facturés.
Où et pour qui ?
Sezame propose sa solution partout en France et pour tous budgets. Seuls sont exclus les biens nécessitant des travaux lourds ou présentant un diagnostic énergétique dégradé (DPE F ou G). Sezame dispose également d’un catalogue (encore modeste) de logements pré-validés et disponibles en leasing immobilier à des conditions pré-négociées.
Cette offre s’adresse prioritairement à des candidats à l’accession ayant besoin d’un peu de temps pour sécuriser ou renforcer leurs accès au crédit. Cela peut concerner par exemple des personnes qui sont encore en période d’essai ou devant bénéficier d’une promotion imminente.
Le leasing immobilier façon Hestia
Hestia est une startup lancée en 2022 par Adrien Péligry et Nino Spiegel avec le soutien de plusieurs business angels de la proptech.
Comment ça marche ?
Hestia a développé une solution originale de leasing immobilier par laquelle des candidats à l’accession peinant à boucler leur plan de financement peuvent emménager sans délai dans le bien de leur choix tout en bénéficiant d’une promesse de vente sur 15 mois. Pendant cette période, Hestia fixe aux futurs acquéreurs un objectif d’épargne permettant de constituer progressivement un apport de 10%.
Combien ça coûte ?
Au terme de la période initiale de 15 mois, l’accédant a l’option d’acquérir le bien sur la base du prix initialement négocié majoré de 10%. Si l’acquisition n’est pas réalisée, faute par exemple d’avoir pu obtenir un financement, les 10% épargnés sont convertis en loyers non-récupérables permettant d’indemniser le vendeur pour l’occupation de son bien pendant 15 mois.
Hestia prélève par ailleurs des frais de service de 3% du coût du projet dès la signature.
Où et pour qui ?
Le solution d’Hestia est disponible partout en France pour des biens d’une valeur minimale de 150.000€.
Tout comme celle d’Hestia, elle cible un public dont l’accès au crédit est temporairement restreint mais doit se rétablir à horizon de quelques mois.
Comparatif
Longue vie à l’innovation financière
Le secteur continue d’innover pour tenter d’apporter des réponses au défi de l’accession à la propriété. Ainsi, nous suivons avec intérêt les premiers pas de Neoproprio, la société à mission lancée par Xavier Lépine, ex dirigeant de La Française, dont l’ambition est de réduire de 30% le coût mensuel de l’accession en s’appuyant sur un bail emphytéotique de 25 ans.
On ne peut que se réjouir que l’écosystème de la proptech française soit capable, en seulement quelques années, de produire autant de solutions innovantes. Celles-ci sont d’autant plus utiles que l’offre de crédit à destination des primo-accédants s’est considérablement appauvrie et rigidifiée sous les effets successifs du retrait du Crédit Immobilier de France puis du Crédit Foncier, des normes du Haut Conseil de Stabilité Financière et de l’extinction progressive du Prêt à Taux Zéro.
Pour autant, chacune des solutions évoquées repose sur des capitaux d’investisseurs institutionnels assurant le portage financier des biens en question. La capacité à conserver l’accès à ces capitaux en dépit de la hausse des taux et de la baisse engagée des prix de l’immobilier sera à n’en pas douter l’une des clés de la réussite pour ces jeunes sociétés.
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